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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/193

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LE STYLE ET LA POÉSIE DE RACINE.

de mots assez restreint. Le vocabulaire de Racine se réduit encore par l’exclusion des locutions usuelles, auxquelles Corneille n’avait pas renoncé, et de ces termes techniques, de guerre, de chasse, de vénerie, de métier, etc., auxquels Racine préfère des termes plus généraux.

Il n’y a plus guère chez Racine, selon la fine remarque de M. Marty-Lavaux, qu’un langage proprement technique, celui de la galanterie. Il le recevait de son temps, et c’est pour lui une circonstance atténuante de ne l’avoir pas créé, car ce langage est essentiellement conventionnel, tantôt fade et tantôt emphatique. Mais il l’emploie avec une complaisance excessive. Dans ce langage, l’amour est une guerre, la femme une forteresse, l’amant un assiégeant ; ce ne sont que cruautés, faiblesses, feux, flammes, comparaisons divines ; l’adoration elle-même n’y suffît plus :

J’aime, que dis-je aimer ? J’idolâtre Junie.

Ce que Racine reçoit encore de son temps, c’est le langage de cour, avec son étalage de respect et de pompe. Ce protocole lui est commun avec tous ses contemporains. Corneille et Quinault, Rotrou et Mairet, multiplient comme lui les « Seigneur » et les « Madame », les « Prince » et les « Princesse ». C’est une convention, assurément, mais aussi naturelle que le vous prêté à des Grecs et à des Romains. Avec l’idée que la condition royale éveillait aussitôt dans l’esprit des spectateurs, les termes empruntés par Racine au langage de la cour sont, je ne dis pas