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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/197

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LE STYLE ET LA POÉSIE DE RACINE.

où il se complaît parfois. J’ai déjà remarqué plus haut qu’il a de bonne heure laissé à Corneille les sentences et le procédé par lequel la pensée est volontairement resserrée dans un vers unique. La concision qui résulte de la pensée même lui suffît :

Elle sait son pouvoir, vous savez son courage.

Il en tire des effets dont rien ne surpasse l’énergie :

… Une mort sanglante est l’unique traité
Qui reste entre l’esclave et le maître irrité.

Il atteint d’un mot, avec plus de simplicité et moins de tension, par la seule logique des sentiments, le sublime de Corneille. Le « Qui le l’a dit ? » d’Hermione et le « Sortez ! » de Roxane valent le « Qu’il mourut ! »

Ce qui montre bien à quel point les mots de Racine sont subordonnés à la pensée, c’est que les figures dont il fait l’usage le plus fort et le plus neuf sont, en réalité, plutôt des figures de pensée que des figures de mots. Ainsi l’ironie. Les couplets d’Hermione et de Roxane sont assez connus pour qu’il soit inutile de les rappeler. Mais que l’on étudie à ce point de vue tout le rôle d’Acomat, le politique léger de scrupules, à qui les hommes et les institutions inspirent un mépris clairvoyant et tranquille, mais qui, à la façon des vrais politiques, ne l’exprime qu’en tête à tête et dans la mesure dont il a besoin pour être compris. C’est Acomat qui dit du droit royal :

… D’un trône si saint la moitié n’est fondée
Que sur la foi promise et rarement gardée.