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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/196

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RACINE.

de vue, on peut dire qu’aucun poète ne le surpasse, pas même La Fontaine en son temps, pas même Victor Hugo dans le nôtre, surtout si l’on considère que, volontairement, il restreint son vocabulaire aux besoins et à la nature de la tragédie, tandis que La Fontaine élargit le sien par l’archaïsme et que Victor Hugo ouvre les écluses de la langue. Il emploie sans artifice toutes les variétés de tropes, et, au lieu de les emprunter à la rhétorique, il les tire de la pensée. Selon les besoins de force ou de douceur, de finesse ou de franchise, de simplicité ou de noblesse, il substitue le concret à l’abstrait, ou inversement ; il désigne l’objet au moyen de la matière ou de la partie, de la cause ou de l’effet, de l’attribut ou du symbole. Il abonde en ellipses ou en syllepses. Ses alliances de mots sont fameuses, et aussi le choix de ses épithètes. Il a trouvé les plus ingénieuses et les plus expressives, les mieux adaptées à la circonstance, les plus « rares », comme disaient les Parnassiens. Tropes, alliances de mots, épithètes sont si nombreux ou si fameux qu’il faudrait citer à l’excès et dépasser les bornes de cette étude ou rappeler des exemples trop connus. Je renvoie encore aux études complètes de MM. Paul Mesnard et Marty-Lavaux.

Avec cette fécondité de moyens, ceux que Racine emploie le plus souvent et dont il tire les effets les plus sûrs sont aussi les plus simples. Ses plus beaux vers, les plus pleins et les plus vigoureux, sont ceux où il n’a employé que les mots les plus usuels ; ainsi dans Athalie, qui n’offre plus guère de ces élégances trop ingénieuses et de cette pompe continue