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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/35

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PREMIÈRES TRAGÉDIES.

novembre 1663 : « J’ai trouvé (au lever) Molière, à qui le Roi a donné assez de louanges, et j’en ai été bien aise pour lui : il a été bien aise aussi que j’y fusse présent. » D’après une tradition généralement acceptée, mais peu sûre, car elle n’a pour garant que Grimarest, biographe souvent hasardeux, c’est Molière qui aurait indiqué à Racine le sujet de sa première tragédie, la Thébaïde, ou les Frères ennemis, en lui promettant de la jouer, après lui avoir refusé une Théagène et Chariclée, inspirée par le cher roman de Port-Royal. Il lui en aurait même tracé le plan. Il semble plus probable que la pièce était commencée dès Uzès. En tout cas, Racine, qui nomme deux fois Molière dans ses lettres de cette époque, ne dit mot de cette collaboration, alors qu’il parle avec détail de son travail assidu pour terminer la Thébaïde. Selon Grimarest, Molière lui faisait faire sa pièce à raison d’un acte par semaine, et même retouchait largement son travail. Racine déclare au contraire, à ce moment, qu’il restait des « huit jours » sans voir Molière. Dans sa préface, il dit encore : « Quelques vers que j’avois fait tombèrent par hasard entre les mains de quelques personnes d’esprit. Ils m’excitèrent à faire une tragédie et me proposèrent le sujet de la Thébaïde. » Que Molière ait été de ces « personnes d’esprit », c’est fort probable, mais il n’en résulte pas qu’il ait imposé à Racine la collaboration despotique dont parle Grimarest. Surtout, rien n’autorise à tirer de là cette conclusion que Racine aurait appris le théâtre à l’école de Molière.

Pour les sentiments de Racine à l’égard de