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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/50

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RACINE.

plaignait des « efforts que l’on avoit faits pour lui défigurer son héros ». Il y joignait une préface dont chaque ligne respire l’impatience et le ressentiment : « Je n’ai pu m’empécher de concevoir quelque opinion de ma tragédie, quand j’ai vu la peine que se sont donnée de certaines gens pour la décrier. On ne fait point tant de brigues contre un ouvrage qu’on n’estime pas. On se contente de ne le plus voir quand on l’a vu une fois, et de le laisser tomber de soi-même, sans daigner seulement contribuer à sa chute. Cependant, j’ai eu le plaisir de voir plus de six fois de suite à ma pièce le visage de ces censeurs. Ils n’ont pas craint de s’exposer si souvent à entendre une chose qui leur déplaisoit… etc. » Puis il réfutait les critiques une à une, ce qui n’était pas son affaire. Retenons surtout de cette apologie personnelle la remarque très juste qu’il a fait sa pièce « avec peu d’incidents et peu de matière ». C’est le principe de toute sa poétique et ce qui, avec la place prépondérante donnée à l’amour, la distingue surtout de celle de Corneille.

Il voyait juste aussi, s’il avait le tort de se louer lui-même, en constatant que « toutes les scènes étaient bien remplies et liées nécessairement les unes avec les autres ». Nous pouvons ajouter qu’il y montrait la force maîtresse d’elle-même, le sentiment de la grandeur tragique, le don de l’harmonie ; il empruntait à la cour de France son noble langage pour le prêter à ses princes et à ses seigneurs, comme dans le beau discours de Porus ; il indiquait déjà quelques-uns des caractères que, dans la suite, il montrera au complet : celui d’Axiane