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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/49

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PREMIÈRES TRAGÉDIES.

ments, quand vous confirmez ce que j’ai avancé touchant la part que l’amour doit avoir dans les belles tragédies… J’ai cru jusqu’ici que l’amour étoit une passion trop chargée de faiblesse pour être la dominante dans une pièce héroïque ; j’aime qu’elle y serve d’ornement, et non pas de corps, et que les grandes âmes ne la laissent agir qu’autant qu’elle est compatible avec de plus nobles impressions. Nos doucereux et nos enjoués sont de contraire avis. » L’amour, en effet, sera le principal ressort de la tragédie racinienne.

Mais, en attendant le véritable amour, Alexandre n’employait guère que les ressorts d’une fade galanterie. Il sacrifiait largement à la mode complexe qui amalgamait aux souvenirs de la chevalerie ceux de la Renaissance et de l’Italie, la politesse des salons contemporains et, surtout, le jargon des romans. Ceux-ci avaient fourni à Boileau le plaisant dialogue que l’on sait. Un homme d’esprit, que l’on croit être Charles de Sévigné, lui empruntait ce cadre à la façon de Lucien pour faire une mordante critique de la nouvelle pièce.

Ces critiques étaient extrêmement pénibles à Racine. Jamais sensibilité ne fut plus délicate. Il disait à son fils : « La moindre critique, quelque mauvaise qu’elle ait été, m’a toujours causé plus de chagrin que toutes les louanges ne m’ont fait de plaisir. » En montrant son chagrin, il faisait le jeu de ses ennemis, enchantés de le voir saigner sous leurs blessures. Il ne manque guère, dans ses préfaces, de se découvrir, en laissant voir son irritation. Pour Alexandre, dès sa dédicace au roi, il se