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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/67

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CARRIÈRE THÉÂTRALE.

malgré cette satisfaction, le ton de la préface est piqué. C’est que la pièce avait été discutée, et que Racine souffrait la critique avec une impatience croissante. Saint-Évremond approuvait de moins en moins, et le poète eut sans doute l’écho de l’opinion qui, plus tard, fut ainsi formulée : « Dans le Titus de Racine, vous voyez du désespoir où il ne faudroit qu’à peine de la douleur. » Les femmes, pour qui un pareil sujet est peut-être le plus intéressant de tous ceux que le théâtre et le roman peuvent traiter, approuvaient de tout cœur le rôle de Bérénice, mais il s’en trouvait pour faire des réserves sur l’ensemble de la pièce. Mme Bossuet écrivait à Bussy-Rabutin : « Jamais femme n’a poussé si loin l’amour et la délicatesse qu’a fait celle-là. Mon Dieu ! la jolie maîtresse ! et que c’est grand dommage qu’un seul personnage ne puisse faire une bonne pièce ! La tragédie de Racine seroit parfaite. »

Le roi daignait témoigner que Bérénice lui avait plu ; le grand Condé l’approuvait sans réserve et appliquait à la pièce ces deux vers tirés de la pièce même :

Depuis trois ans entiers chaque jour je la vois
Et crois toujours la voir pour la première fois.

En revanche, des personnages de haut rang, à qui le poète déclarait « qu’il se ferait toujours gloire de plaire », lui reprochaient cette simplicité même qu’il avait « recherchée avec tant de soin », tout en déclarant qu’ils avaient été touchés. Il leur répondait avec une déférence ironique et pincée : « Je les conjure d’avoir assez bonne opinion d’eux-mêmes