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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/72

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RACINE.

Phèdre, font passer cinq lieues de pays fort aisément. » Sans y entendre malice, La Fontaine lui écrivait à elle-même : « Que font vos courtisans ?… Charmez-vous l’ennui, le malheur au jeu, toutes les autres disgrâces de M. de la Fare ? et M. de Tonnerre, rapporte-t-il toujours au logis quelque petit gain ? »

Aux amants se joignaient nombre d’amis, car la maison de la comédienne « étoit le rendez-vous de plusieurs personnes de distinction de la Cour et de la Ville, aussi bien que des plus célèbres auteurs du temps ». La Fontaine y fréquentait assidûment, avec le grand regret de n’être qu’un ami, et aussi le grave Boileau, qui, lui, ne demandait pas davantage. On y soupait avec une gaieté dont Mme de Sévigné, confidente de son fils et appelant la « petite comédienne » sa « belle-fille », parle avec un mélange de terreur et d’admiration : « Ce sont des soupers délicieux, c’est-à-dire des diableries. » Une grande familiarité y régnait. La Fontaine rappelle les « mots » et les « brocards » dont « l’honorait » M. de Tonnerre, et Boileau, écrivant trente ans après à M. de Revel, lui disait : « Trouvez bon que je vous parle aujourd’hui sur ce ton familier auquel vous m’aviez autrefois accoutumé chez la fameuse Champmeslé. »

Le mot de Racine, tourné en épigramme par Boileau, montre assez que, dans cette joyeuse société, le poète s’accommodait aisément du partage. Cependant, il était fort capable de jalousie. Avec Mlle du Parc il avait éprouvé avec force un sentiment qui est la dignité de l’amour. On peut donc s’étonner de sa longue patience avec Mlle Champmeslé.