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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/85

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CARRIÈRE THÉÂTRALE.

vaient combinés avec d’autres ou secondaires. Dans Iphigénie, ils sont dominants ; dans Phèdre, ils vont régler toute la pièce. Le poète a lui-même exposé son dessein dans sa préface :

Je n’ose encore assrer, disait-il, que cette pièce soit la meilleure de mes tragédies. Je laisse aux lecteurs et au temps à décider de son véritable prix. Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait où la vertu soit plus mise en jour que dans celle-ci… C’est là proprement le but que tout homme qui travaille pour le public doit se proposer ; et c’est ce que les premiers poètes tragiques avoient en vue sur toute chose. Leur théâtre étoit une école où la vertu n’étoit pas moins bien enseignée que dans les écoles des philosophes.

Ainsi, non seulement la vertu, c’est-à-dire la lutte contre les passions, est représentée de parti pris dans Phèdre, mais le poète veut la proposer à l’imitation.

Ce dessein n’est pas plus exceptionnel chez Racine que chez ses contemporains. Corneille et Molière parlent comme lui. Jamais la théorie de l’art pour l’art ne fut moins en honneur qu’en ce temps-là. Tous les poètes ont l’intention de faire du théâtre « une école de vertu ». Mais cette intention est plus ou moins affichée ; elle est moins visible dans le Cid que dans Cinna, dans Rodogune que dans Pompée ; surtout, si elle est dans le Misanthrope et Tartufe, elle n’est rien moins qu’apparente dans les Fourberies de Scapin et le Médecin malgré lui. Avec Racine lui-même, elle ne ressort guère de Britannicus, de Bajazet et de Mithridate, où la morale de l’auteur inspire la pièce, mais ne s’y marque pas expressément. L’intention morale qui était au fond d’Andro-