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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/99

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VIE DE FAMILLE ET DE COUR.

ici encore, le mieux est de laisser parler son fils : « (Elle) porta l’indifférence pour la poésie jusqu’à ignorer toute sa vie ce que c’est qu’un vers, et m’ayant entendu parler, il y a quelques années, de rimes masculines et féminines, elle m’en demanda la différence… Elle ne connut ni par les représentations, ni par la lecture, les tragédies auxquelles elle devait s’intéresser ; elle en apprit seulement les titres par la conversation. » En revanche, elle était « une compagne uniquement occupée du ménage, ne lisant de livres que ses livres de piété, ayant d’ailleurs un jugement excellent, et étant d’un très bon conseil en toute occasion ». La correspondance de Racine avec son fils Jean-Baptiste, attaché d’ambassade en Hollande, renferme deux lettres de Mme Racine. Raisonnablement affectueuses, pleines de conseils pratiques et de petites nouvelles de famille, elles sont d’une rare insignifiance. Mme Racine ressemblait aussi peu que possible à Mme de Sévigné. Cependant, si Racine avait renoncé au théâtre profane, il continuait à aimer les lettres et à lire assidûment. Il prononçait à l’Académie française, au sujet du grand Corneille, le plus bel éloge des lettres qui soit sorti d’une bouche française. Il écrivait l’histoire du roi, et son génie dramatique, s’appliquant aux livres saints, donnera Esther et Athalie. Avec tout cela, il se trouve que la femme selon le cœur de Racine est l’idéal de la femme selon Chrysale. Louis Racine, bon fils, mais un peu poète, n’a pu s’empêcher de faire cette remarque : « On avouera que la religion a dû être le lien d’une si parfaite union entre deux caractères aussi opposés. »