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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/105

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des bacs et des bateaux préparés par la marine ; ils passent à la rive gauche et s’y établissent. Dès le premier coup de canon d’Oudinot, toutes les batteries de Lobau font un feu terrible, les unes sur les ouvrages ennemis, les autres sur le terrain qu’il occupe, le plus grand nombre sur Enzersdorf et ses alentours. On voit perpétuellement en l’air une quantité de bombes et d’obus enflammés. Masséna jette de son côté dix-huit cents hommes sur l’autre rive ; ils passent dans cinq bacs. Le premier a de la peine à aborder, les hommes se jettent à la nage et le tirent à terre ; alors le passage continue sans interruption. Les postes de l’ennemi sont enlevés ou surpris, et on établit les ponts préparés à l’avance. Celui d’une seule pièce se trouve placé en huit ou dix minutes, malgré la baisse des eaux. Le quatrième corps commence immédiatement à défiler, le transport continue sur les bacs. On commence des ponts de radeaux et de bateaux sur l’île Alexandre. Le premier est fini à trois heures, le second à deux, un quatrième est jeté plus haut le cinquième avance rapidement. Cependant la canonnade continuait d’une manière épouvantable ; Enzersdorf est bientôt la proie des flammes. L’ennemi ne répondait que faiblement en face des ponts, mais il tonnait de tous ses ouvrages sur le terrain de l’ancien passage, où il croyait que notre armée débouchait. À tout ce fracas vint se joindre un orage terrible et une pluie par torrents, qui produisit un froid extraordinaire. Les travaux n’en sont nullement dérangés. Napoléon est partout, courant à pied d’un pont à l’autre, au milieu des boues et de ces rives glissantes où on culbute à chaque instant. Infanterie, artillerie, cavalerie, tout défile sans relâche. À mesure qu’on gagne du terrain sur la rive gauche, Napoléon fait assurer ses premiers progrès. Il a donné à l’avance aux officiers du génie l’ordre de tracer quatre immenses redans pour couvrir les ponts. Ainsi chaque pas que font les troupes, préparé par le feu terrible qui écrase l’ennemi, est protégé par des ouvrages contre tout accident. L’avant-garde ennemie, qui se trouvait dans cette partie, cède le terrain presque sans combattre, et se retire au-delà d’Enzersdorf, selon l’ordre qu’elle en a reçu !

« Malgré la multiplicité des ponts, il fallait encore plusieurs heures pour faire défiler une armée aussi nombreuse que la nôtre. Les corps de la deuxième et troisième lignes non encore formées arrivaient successivement. Ce n’est que vers midi que la première ligne se trouve établie perpendiculairement au Danube, selon l’ordre donné : Masséna à gauche, Oudinot et Bernadotte au centre, Davoust à droite. Ces corps sont par régiments serrés en masse. Ils occupent ainsi un bien petit espace.