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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/110

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Enfin l’expédition d’Anvers avortée, et Napoléon prenant le ton menaçant, l’Autriche signa, le 14 octobre, la paix de Vienne, dont les conditions, vu le véritable état des choses, purent être regardées comme de nouveaux actes de la clémence du vainqueur.

Napoléon épargna donc encore une fois l’Autriche ; c’est qu’il était loin de vouloir la détruire, qu’il la jugeait nécessaire à sa politique, et qu’il espérait se l’attacher enfin à force de bienfaits. Il s’est cruellement trompé !!!… Et toutefois on a pu lire plus haut, quelque part dans ce recueil, qu’il s’accusait, comme d’une véritable faute, de l’avoir laissée trop forte après Wagram. « Le lendemain de la bataille, j’eusse dû, disait-il, faire, connaître par l’ordre du jour que je ne traiterais avec l’Autriche qu’après la séparation préalable des couronnes d’Autriche, de Hongrie, de Bohême, placées sur des têtes différentes. »

Ici l’auteur, après des réflexions générales sur cette magnifique campagne, récapitule ce que la patrie, en cette dernière occasion, doit en aussi peu de temps à l’activité, à la force d’âme et à l’immensité du génie d’un seul homme ; il démontre que la gloire, l’indépendance, la splendeur, la félicité de cette patrie, étaient le premier, l’unique sentiment de cet homme vraiment grand ; et il termine en expliquant ainsi son extrême modération dans son dernier triomphe : « C’est que Napoléon, dit-il, bien au-dessus de ses victoires et des ambitions ordinaires, s’était imposé la plus belle, la plus grande des missions. Poussé à une haute dictature, d’abord en France, par les factions qui la divisaient et mettaient son existence en péril ; ensuite sur toute l’Europe, par la constante coalition de ses ennemis, leurs attaques perpétuelles, le refus obstiné de la paix générale, il avait su juger inévitable la régénération moderne, et prétendait à la diriger… Placé au plus haut point des lumières, au-dessus des intérêts comme des passions, il avait pu peser les nécessités du temps Chef de la cause des peuples triomphants, il voulait en traiter à l’amiable avec les rois vaincus, etc. »

Dans mon recueil, l’auteur trouvera plus d’une fois dans les paroles de Napoléon même l’occasion d’être fier de l’avoir si bien deviné, et il goûtera surtout la douce satisfaction de cœur de l’avoir admiré, aimé, en pleine connaissance de cause.


Sur la guerre de Russie – Fatalités, etc. – M. de Talleyrand, etc. – Corinne de madame de Staël – M. Necker, etc..


Mardi 13.

L’Empereur m’a emmené de bon matin fort loin dans le bois ; il a