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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/130

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et l’étoile des peuples civilisés. Vos libelles ne peuvent rien contre moi, vous y avez dépensé des millions, qu’ont-ils produit ? La vérité perce les nuages, elle brille comme le soleil ; comme lui, elle est impérissable ! »

L’Empereur convenait, dans cette conversation, avoir fort maltraité, et souvent, sir Hudson Lowe ; et il lui rendait la justice d’avouer encore que sir Hudson Lowe ne lui avait jamais précisément manqué ; il s’était contenté de marmotter souvent entre ses dents des choses qu’il n’avait pas laissé entendre. Une fois il a dit qu’il avait demandé son rappel, et l’Empereur lui a répondu que c’était la parole la plus agréable qu’il pût lui faire entendre. Il a dit encore que nous flétrissions son caractère en Europe, mais que cela lui était égal, etc. Le seul manquement peut-être du gouverneur, disait l’Empereur, et qui serait léger auprès de tout ce qu’il avait reçu, avait été de se retirer brusquement quand l’amiral ne s’éloignait qu’avec lenteur et avec de nombreuses salutations. « L’amiral était précisément là, me disait gaiement l’Empereur, le marquis de Gallo lors de ma rupture de Passeriano, etc. ; » allusion à un des chapitres de la campagne d’Italie qu’il m’avait dicté.

Au surplus, l’Empereur disait qu’après tout il se reprochait cette scène. « Je ne dois plus recevoir cet officier ; il fait que je m’emporte, c’est au-dessous de ma dignité. Il m’échappe vis-à-vis de lui des paroles qui eussent été impardonnables aux Tuileries ; si elles peuvent avoir une excuse ici, c’est de me trouver entre ses mains et sous son pouvoir. »

Après le dîner, l’Empereur a fait lire une lettre en réponse au gouverneur, qui avait envoyé officiellement le traité du 2 août, par lequel les souverains alliés stipulaient l’emprisonnement de Napoléon. Sir Hudson Lowe demandait, par la même occasion, à introduire les commissaires étrangers à Longwood. L’Empereur avait dicté cette lettre, dans la journée, à M. de Montholon ; il a voulu que chacun de nous proposât ses objections et donnât son avis. Elle nous a semblé un chef-d’œuvre de dignité, de force et de logique. On la trouvera plus bas lors de son envoi.


Retour sur la conversation avec le gouverneur, etc. – Effets des libelles sur Napoléon – Traité de Fontainebleau – Ouvrage du général Sarrazin.


Lundi 19.

Le temps a continué d’être aussi affreux que nous l’eussions jamais vu. Depuis trois ou quatre jours, c’est un de nos véritables ouragans d’équinoxe en Europe. L’Empereur l’a bravé pour entrer sur les dix heures chez moi. En sortant, il s’est accroché la jambe à un clou près