Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et vous furent remises ; vous ne les avez pas communiquées parce qu’elles n’étaient pas passées par le canal du ministère anglais ; il fallut leur faire refaire quatre mille lieues, et ces officiers eurent la douleur de savoir qu’il existait sur ce rocher des nouvelles de leurs femmes, de leurs mères, de leurs enfants, et qu’ils ne pouvaient les connaître que dans six mois !!!… Le cœur se soulève ! On n’a pas pu obtenir d’être abonné au Morning-Chronicle, au Morning-Post, à quelques journaux français ; de temps à autre on fait passer à Longwood quelques numéros dépareillés du Times. Sur la demande faite à bord du Northumberland, on a envoyé quelques livres ; mais tous ceux relatifs aux affaires des dernières années ont été soigneusement écartés. Depuis on a voulu correspondre avec un libraire de Londres pour avoir directement des livres dont on pouvait avoir besoin et ceux relatifs aux évènements du jour, on l’a empêché. Un auteur anglais, ayant fait un voyage en France et l’ayant imprimé à Londres, prit la peine de nous l’envoyer pour l’offrir à l’Empereur ; mais vous n’avez pas cru pouvoir le lui remettre, parce qu’il ne vous était pas parvenu par la filière de votre gouvernement. On dit aussi que d’autres livres envoyés par leurs auteurs n’ont pu être remis, parce qu’il y avait sur l’inscription de quelques-uns : À l’empereur Napoléon, et sur d’autres : À Napoléon-le-Grand. Le ministère anglais n’est autorisé à ordonner aucune de ces vexations. La loi, quoique unique, considère l’empereur Napoléon comme prisonnier de guerre ; or, jamais on n’a défendu aux prisonniers de guerre de s’abonner aux journaux, de recevoir les livres qui s’impriment : une telle défense n’est faite que dans les cachots de l’inquisition.

« L’île de Sainte-Hélène a dix lieues de tour, elle est inabordable de toutes parts, des bricks enveloppent la côte, les postes placés sur le rivage peuvent se voir de l’un à l’autre, et rendent impraticable la communication avec la mer. Il n’y a qu’un seul petit bourg, James-Town, où mouillent et d’où s’expédient les bâtiments. Pour empêcher un individu de s’en aller de l’île, il suffit d’exercer la côte par terre et par mer. En interdisant l’intérieur de l’île, on ne peut donc avoir qu’un but, celui de priver d’une promenade de huit ou dix milles qu’il serait possible de faire à cheval, et dont, d’après la consultation des hommes d’art, la privation abrège les jours de l’Empereur.

« On a établi l’Empereur dans la position de Longwood, exposée à tous les vents ; terrain stérile, inhabité, sans eau, n’étant susceptible d’aucune culture. Il y a une enceinte d’environ douze cents toises