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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/142

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plus avantageux que le traité de Paris ; mais on exigeait que la France renonçât à la Belgique et la rive gauche du Rhin, ce qui était contraire aux propositions de Francfort et aux proclamations des puissances alliées ; ce qui était contraire au serment par lequel, à son sacre, l’Empereur avait juré l’intégrité de l’empire. L’Empereur pensait alors que ces limites naturelles étaient nécessaires la garantie de la France comme à l’équilibre de l’Europe ; il pensait que nation française, dans les circonstances où elle se trouvait, devait plutôt courir toutes les chances de la guerre que de s’en départir. La France eût obtenu, cette intégrité, et avec elle conservé son honneur, si la trahison n’était venue au secours des alliés. Le traité du 2 août, le bill du parlement britannique appellent l’empereur Napoléon seulement Bonaparte, et ne lui donnent que le titre de général. Le titre de général Bonaparte est sans doute éminemment glorieux : l’Empereur le portait à Lodi, à Castiglione, à Rivoli, à Arcole, à Léoben, aux Pyramides, à Aboukir ; mais depuis dix-sept ans il a porté celui de Premier Consul et d’Empereur ; ce serait convenir qu’il n’a été ni premier magistrat de la république ni souverain de la quatrième dynastie. Ceux qui pensent que les nations sont des troupeaux qui de droit divin appartiennent à quelques familles, ne sont ni du siècle ni même dans l’esprit de la législature anglaise, qui changea plusieurs fois l’ordre de sa dynastie, parce que les grands changements survenus dans les opinions, auxquels n’avaient pas participé les princes régnants, les avaient rendus ennemis du bonheur et de la grande majorité de cette nation. Car les rois ne sont que des magistrats héréditaires, qui n’existent que pour le bonheur des nations, et non les nations pour la satisfaction des rois. C’est le même esprit de haine qui a ordonné que l’empereur Napoléon ne pût écrire ni recevoir aucune lettre sans qu’elle soit ouverte et lue par les ministres anglais et les officiers de Sainte-Hélène. On lui a par là interdit la possibilité de recevoir des nouvelles de sa mère, de sa femme, de son fils, de ses frères ; et lorsque, voulant se soustraire aux inconvénients de voir ses lettres lues par des officiers subalternes, il a voulu envoyer des lettres cachetées au prince régent, on a répondu qu’on ne pouvait se charger que de laisser passer les lettres ouvertes ; que telles étaient les instructions du ministère. Cette mesure n’a pas besoin de réflexions, elle donnera d’étranges idées de l’esprit de l’administration qui l’a dictée ; elle serait désavouée à Alger, même ! – Des lettres sont arrivées pour des officiers généraux de la suite de l’Empereur ; elles étaient décachetées