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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/146

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de parcourir la carte de Russie et la partie de l’Amérique avoisinant les établissements russes.

Il avait beaucoup souffert durant la nuit, beaucoup toussé. Cependant le temps était redevenu tout à fait doux. Il s’est habillé pour sortir. Durant sa toilette, il revenait souvent sur l’heureuse idée de l’Atlas, le mérite de son exécution, l’immensité des choses qu’il contenait. »

L’Empereur a gagné le jardin. Durant la promenade en calèche, dans laquelle se trouvait M. de Montholon ; la conversation a été sur le général Joubert, qui en avait été le beau-frère, et dont il avait été l’aide-de-camp.

« Joubert avait une haute vénération pour moi, a dit l’Empereur ; à chaque revers éprouvé par la république durant l’expédition d’Égypte, il déplorait mon absence. Se trouvant en cet instant chef de l’armée d’Italie, il m’avait pris pour modèle, aspirait à me recommencer, et ne prétendait à rien moins qu’à tenter ce que j’ai exécuté depuis en brumaire ; seulement il eût agi avec les jacobins. Les mesures et les intrigues de ce parti, pour le mettre sur la voie de cette grande entreprise, l’avaient porté au commandement en Italie après les désastres de Scherer, de ce Scherer, dilapidateur ignorant, digne de tous les blâmes. Mais Joubert fut tué à Novi dans son premier choc contre Suwarow. Il n’eût exécuté à Paris qu’une échauffourée ; il n’avait point encore assez de gloire, de consistance et de maturité ; il était de nature à acquérir tout cela ; mais en cet instant il n’était pas assez fait, il était trop jeune encore, et cette entreprise était pour le moment au-dessus de ses forces. »

Au reste, voici le portrait de ce général dicté par l’Empereur, pour ses campagnes d’Italie, et dont je trouve le brouillon.

« Joubert, né au département de l’Ain, dans l’ancienne Bresse, avait étudié pour le barreau. La révolution lui fit prendre le parti des armes ; il servit à l’armée d’Italie, et y fut général de brigade. Il était grand, maigre, semblait naturellement d’une faible complexion ; mais il l’avait mise à l’épreuve des grandes fatigues dans les Alpes, et s’y était endurci. Il était intrépide, vigilant, fort actif, marchant à la tête des colonnes. Il fut fait général de division pour remplacer Vaubois, dont il prit le corps d’armée. Il se fit beaucoup d’honneur dans la campagne de Léoben, commandant l’aile gauche, qu’il amena au gros de l’armée des montagnes du Tyrol par les défilés du Pusthersthal. Il était fort attaché à Napoléon, qui le chargea de porter au Directoire les derniers drapeaux enlevés par l’armée d’Italie. Resté à Paris pendant la campagne