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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/170

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tares. Et vous, Anglais, a-t-il dit en finissant, vous, Anglais, vous pleurerez votre victoire de Waterloo ! On amènera les choses à ce que la postérité, les gens instruits, les vrais hommes d’État, les vrais hommes de bien, regretteront amèrement que je n’aie pas réussi dans toutes mes entreprises. »

L’Empereur a eu des moments sublimes. Je ne le suivrai point dans ses développements. Il a promis de les dicter, et a dit en avoir déjà arrêté le cadre et les bases en quatorze paragraphes.


Catinat ; Turenne ; Condé – De la plus belle bataille de l’Empereur – Des meilleures troupes, etc.


Mercredi 28.

L’Empereur n’est sorti que sur les quatre heures. Il venait de passer trois heures dans son bain. Le temps était fort aigre ; il s’est contenté de quelques tours dans le jardin. Il venait de faire écrire au gouverneur qu’il ne recevrait désormais personne, à moins qu’on n’admît à Longwood sur les passes du grand maréchal, comme au temps de l’amiral Cockburn.

Avant de se mettre aux échecs, l’Empereur a trouvé sous sa main un volume de Fénelon. C’était la direction de conscience d’un roi. Il nous en a lu bon nombre d’articles, les sabrant tout d’abord avec beaucoup d’esprit et de gaieté. Enfin il a jeté le livre, disant que le nom d’un auteur n’avait jamais influé sur son opinion ; qu’il avait toujours jugé les ouvrages sur ce qu’ils lui faisaient éprouver, louant volontiers, censurant de même, et qu’ici, en dépit du nom de Fénelon, il n’hésitait pas à prononcer que c’étaient autant de rapsodies.

Après dîner, l’Empereur parlait de l’ancienne marine, de M. de Grasse, de sa défaite du 12 avril. Il a voulu avoir quelques détails ; il a demandé le Dictionnaire des Sièges et Batailles. L’Empereur l’a parcouru ; il lui a fourni une foule d’observations. Catinat, pour son malheur, s’est trouvé sous sa main ; il l’a rabaissé infiniment à nos yeux. Il l’avait trouvé, disait-il, fort au-dessous de sa réputation, à l’inspection des lieux où il avait opéré en Italie, et à la lecture de sa correspondance avec Louvois. Sorti du tiers-état, observait-il, et du corps des avocats, avec des vertus douces, des mœurs, de la probité, affectant la pratique de l’égalité, établi à Saint-Gratien, aux portes de Paris, il était devenu l’affection des gens de lettres de la capitale, des philosophes du jour, qui l’avaient beaucoup trop exalté. Il n’était nullement comparable à Vendôme, prononçait-il.

L’Empereur disait qu’il avait cherché à étudier de même Turenne et