Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Condé, soupçonnant aussi de l’exagération ; mais que là il avait fallu se rendre au mérite. Il avait même remarqué que dans Turenne l’audace avait crû chez lui avec l’expérience, il en montrait plus en vieillissant qu’à son début. C’était peut-être le contraire chez Condé, qui en avait tant déployé en entrant dans la carrière.

Et au sujet de Turenne, de Condé, et d’autres grands hommes, j’observerai qu’il est assez bizarre que le hasard ne m’ait jamais laissé entendre le nom du grand Frédéric dans la bouche de Napoléon. Toutefois, la grosse montre ou espèce de réveille-matin de ce prince, emportée à Sainte-Hélène, et placée à la cheminée de l’Empereur, l’empressement avec lequel Napoléon, à Postdam, s’élança sur l’épée du grand Frédéric, en s’écriant : « Que d’autres saisissent d’autres dépouilles : voici, pour moi, ce qui est supérieur à tous les millions ! » enfin la contemplation longue et silencieuse de Napoléon au tombeau de Frédéric, prouvent assez à quel haut rang ce prince était dans l’esprit de l’Empereur, et combien il avait dû remuer son âme[1].

  1. Dans les temps qui ont suivi mon enlèvement de Longwood, Napoléon s’est occupé d’un travail spécial sur le grand Frédéric, de notes et de commentaires sur ses campagnes. (Voyez les Mémoires de Napoléon, tom. VIII. Bossange frères, 1823.)