Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sirent à la frégate, qu’ils gagnèrent en évitant de passer par Alexandrie.

On appareilla le soir même, afin d’avoir disparu au jour devant les croiseurs anglais et leur flotte mouillée à Aboukir. Malheureusement le calme survint qu’on était encore en vue des côtes, et que du haut des mâts on pouvait distinguer les vaisseaux anglais au mouillage.

Dans cette situation, l’inquiétude fut grande ; on proposa même de rentrer à Alexandrie, mais Napoléon s’y opposa. Les dés étaient jetés, et bientôt on fut assez heureux pour se trouver tout à fait au large.

La traversée fut fort longue et très défavorable ; on s’effraya souvent des Anglais : cependant personne ne connaissait les intentions du général, chacun faisait sa conjecture ; on était fort agité : Napoléon seul paraissait calme et tranquille, renfermé la plus grande partie du jour dans sa chambre, où il lisait, dit Ganthaume, tantôt la Bible, tantôt l’Alcoran. S’il paraissait sur le pont, c’était de l’air le plus gai, le plus libre, et causant des choses les plus indifférentes.

Le général Menou était le dernier auquel Napoléon eût parlé sur le rivage, et l’on a su plus tard qu’il lui avait dit : « Mon cher, tenez-vous bien vous autres ici ; si j’ai le bonheur de mettre le pied en France, le règne du bavardage est fini. »

Le sentiment de Napoléon sur nos désastres, après la lecture des