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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/206

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Sur les quatre heures, il a pris fantaisie à l’Empereur de marcher un peu. Je n’étais pas avec lui. Il avait été, nous disait-il au retour, jusqu’au jardin de la compagnie, où il avait rencontré de très belles dames. « Mais je n’avais pas ma langue avec moi, ajouta-t-il en me montrant ; le vilain m’avait quitté, et rien n’a été plus fâcheux, car je n’avais jamais été mieux disposé, etc. »

Cette petite promenade n’a pas réussi à l’Empereur ; il en a rapporté une grande douleur de dents.

Un vaisseau venu du Cap est reparti pour l’Europe. Des généraux anglais qui s’y trouvaient passagers n’ont pu arriver jusqu’à l’Empereur, malgré leurs sollicitations réitérées. C’était une nouvelle méchanceté du gouverneur. Ces passagers étaient des hommes de marque, leurs rapports pouvaient avoir du poids. Le gouverneur, contre toute vérité, leur a dit que l’intention de Napoléon était de ne plus recevoir personne.

L’Empereur nous avait analysé, il y a quelque temps, un projet de dictée en quatorze chapitres (voyez plus haut, 27 août) qui m’avait vivement frappé par sa vérité, sa force, sa logique et sa dignité. J’y revenais souvent, puis, quand je me trouvais seul avec lui ; il avait ni plus d’une fois de ma ténacité sur ce point, laquelle, me disait-il, ne m’était pas usuelle. Aujourd’hui il m’a dit qu’il avait enfin fait quelque chose, bien que ce ne fût pas en quatorze chapitres ni sur le sujet promis, mais qu’il faudrait m’en contenter ; et j’ai lu ce qu’il avait dicté, c’est certainement un morceau très remarquable. Je ne pense pas que la révolution ait rien produit de plus serré, de plus fort sur la légalité des 25 dernières années en France, savoir : la république, le consulat et l’empire.

L’exposé des dix chapitres qui composent ce petit ouvrage, et le développement, peuvent être regardés comme un cadre parfait sur le sujet. La touche en est particulièrement simple et nerveuse ; leur ensemble compose une cinquantaine de pages.

J’ai compris que le fond de ses idées avait dû être le manifeste de l’Empereur lors de son débarquement de l’île d’Elbe. J’en vais transcrire littéralement ici, à peu de mots près, plusieurs chapitres qui serviront à en constater la source et l’authenticité.


CHAPITRE PREMIER..
Dans le seizième siècle, le pape, l’Espagne et les Seize veulent en vain élever sur le trône de France une quatrième dynastie – Henri IV succède à Henri III sans interrègne : il est vainqueur de la Ligue ; cependant il ne peut régner qu’en se ralliant de bonne foi au parti de la majorité de la nation..

« Henri IV fut proclamé roi à Saint-Cloud le jour même de la mort