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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/208

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Les ligueurs convoquèrent les États-généraux du royaume à Paris ; les ambassadeurs d’Espagne y démasquèrent les projets de leur maître ; ils sollicitèrent les États d’élever sur le trône de France une quatrième dynastie ; puisque Henri et Condé, déclarés relaps, avaient perdu tous leurs droits à la couronne, la ligne masculine des Capets était éteinte. Ils réclamaient donc les droits de l’infante d’Espagne, fille de la sœur de Henri II, roi de France, et la première dans la ligne féminine ; et si la nation croyait être rentrée dans ses droits par l’extinction de la ligne masculine et pouvoir disposer du trône, ils insistaient encore pour que le choix tombât sur l’infante : on ne pouvait trouver une personne d’une plus grande maison, et la France devait de la considération aux efforts que Philippe II faisait pour soutenir la cause de la Ligue. Des troupes espagnoles étaient à Paris sous les ordres du duc de Mayenne ; l’infante épouserait un prince français ; ils désignèrent même le duc de Guise, fils de celui qui avait été assassiné à Blois. Une armée de cinquante mille Espagnols serait entretenue à Paris par la cour de Madrid, qui prodiguerait ses trésors et sa toute-puissance pour assurer le triomphe de cette quatrième dynastie. Les Seize appuyèrent ces propositions, sanctionnées par la cour de Rome et soutenues de tous les efforts du légat. Tout fut vain, l’esprit national s’indigna devoir une nation étrangère disposer du trône de France : la partie du parlement qui siégeait à Paris fit, les chambres assemblées, des remontrances au lieutenant-général du royaume, duc de Mayenne, pour qu’il eût à veiller au maintien des lois fondamentales de la monarchie, et spécialement de la loi salique. Si les efforts de la faction d’Espagne l’eussent emporté, que les États-généraux eussent déclaré les descendants de Hugues Capet déchus du trône, et eussent élevé une quatrième dynastie ; si celle-ci eût chassé Henri du royaume et eût été acceptée par la nation, sanctionnée par la religion, reconnue par les puissances de l’Europe, les droits de la troisième dynastie eussent été éteints.

Henri vainquit la Ligue à Arques et dans les plaines d’Ivry ; il assiégea Paris. Cependant il reconnut l’impossibilité de régner en France sans se ranger du parti de la nation. Il avait été vainqueur avec son armée toute française ; s’il avait sous ses ordres un petit corps d’Anglais, les ligueurs en avaient un plus considérable d’Espagnols et d’Italiens : ainsi, dans les deux partis, le combat avait été de Français contre Français ; les étrangers n’y étaient qu’auxiliaires ; l’honneur et l’indépendance nationale n’étaient point compromis, de quelque côté que se fixât la victoire. Ventre-saint-gris ! Paris vaut bien une messe ! fut le langage dont Henri se