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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/211

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reconnue par tous les rois, par toutes les puissances de l’univers, le fut également par toutes les religions, et notamment par l’Église catholique, apostolique et romaine.

Non-seulement toutes les puissances du monde reconnurent la république après la mort de Louis XVI, mais même aucune ne reconnut jamais de successeur à ce prince. Le procès de la troisième dynastie était donc terminé en 1800, tout comme ceux de la première et de la seconde. Les titres et les droits des Mérovingiens furent éteints par les titres et les droits des Carlovingiens ; les titres et les droits des Carlovingiens furent éteints par les titres et les droits des Capétiens, tout comme les titres et les droits des Capétiens furent éteints par les titres et les droits de la république. Tout gouvernement légitime éteint les droits et la légitimité des gouvernements qui l’ont précédé. La république a donc été un gouvernement de fait et de droit, légitime par la volonté de la nation, sanctionné par l’Église et par l’adhésion de l’univers.


CHAPITRE III.
La révolution a fait de la France une nouvelle nation : elle a affranchi les Gaulois de la conquête des Francs ; elle a créé de nouveaux intérêts et un nouvel ordre de choses, conformes au bien du peuple, à ses droits, à la justice, aux lumières du siècle.

La révolution française n’a pas été produite par le choc des deux familles se disputant le trône ; elle a été un mouvement général de la masse de la nation contre les privilégiés. La noblesse française, comme celle de toute l’Europe, date de l’incursion des barbares qui se partagèrent l’empire romain. En France, les nobles représentaient les Francs et les Bourguignons ; le reste de la nation, les Gaulois. Le régime féodal qui s’introduisit établit le principe que toute terre avait un seigneur. Tous les droits politiques furent exercés par les prêtres et les nobles ; les paysans furent esclaves, partie attachés à la glèbe. La marche de la civilisation et des lumières affranchit le peuple. Ce nouvel état de choses fit prospérer l’industrie et le commerce ; la majeure partie des terres, des richesses et des lumières était le partage du peuple dans le dix-huitième siècle. Les nobles cependant étaient encore une classe privilégiée : ils conservaient la haute et la moyenne justice, avaient des droits féodaux sous un grand nombre de dénominations et de formes diverses, jouissaient du privilège de ne supporter aucune des charges de la société, de posséder exclusivement les emplois les plus honorables. Tous ces abus excitaient les réclamations des citoyens. La révolution eut pour but principal de détruire tous les privilèges ; d’abolir les justices seigneuriales,