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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/339

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laquelle s’était tout à fait déclarée sur le sol de l’Égypte, après la victoire des Pyramides et la possession du Caire, etc. « Alors vraiment je crus pouvoir m’abandonner, disait-il, aux plus brillants rêves, etc., etc. »

L’Empereur était devenu fort gai, très causant ; il était minuit quand il s’est retiré. C’était une espèce de résurrection.


La famille du grand maréchal se rapproche de nous.


Samedi 19, Dimanche 20.

Les quatre proscrits, le Polonais, Santini, Archambault et Rousseau l’argentier, nous ont quittés vers le milieu du jour. Une heure après, ils étaient sous voile pour le Cap, dans un petit bâtiment, avec un vent très fort.

Aujourd’hui (20) le grand maréchal et sa famille ont quitté Hutt’s-gate, leur première demeure, qui était à près d’une lieue de nous. Ils sont venus s’établir enfin à leur nouvelle maison, ce qui nous met désormais presque sous le même toit. C’était un évènement pour eux et pour nous.


Expédition de saint Louis en Égypte – Nos femmes auteurs ; madame de Staël – Les écrivains ennemis de Napoléon ne mordront que sur du granit.


Lundi 21.

Notre enceinte se rétrécit chaque jour. Les sentinelles s’accroissent. Tout nous rappelle à chaque instant notre horrible prison.

L’Empereur me disait, durant sa toilette, qu’il voulait absolument reprendre son travail régulier, qu’avaient interrompu les derniers tourments de cet horrible gouverneur, je l’y engageais de toutes mes forces, et pour lui et pour nous, et pour la France et pour l’histoire.

Le gouverneur ne veut donner de l’argenterie de l’Empereur que plus d’un cinquième de moins qu’on ne l’estime à Paris, et pourtant il ne veut permettre ni concours ici ni transport à Londres.

Après dîner l’Empereur a lu, dans Joinville, l’expédition de saint Louis en Égypte ; il l’analysait, en faisait ressortir les fautes, comparait les mouvements, le plan d’alors avec celui qu’il avait adopté lui-même, et concluait que, s’il avait agi de même que saint Louis, il eût eu infailliblement le même sort.

S’étant retiré de bonne heure et m’ayant fait appeler près de lui, la conversation a repris sur ses courses en Égypte et en Syrie. La Mathilde de madame Cottin, qui en avait fait le théâtre de son roman, s’est trouvée mentionnée, et cela a conduit l’Empereur à passer en revue nos femmes auteurs. Il a parlé de madame Roland et de ses Mémoires, de