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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/402

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a eu en lui du Sylla. C’est son système qui a ménagé l’asservissement de la cause populaire et le triomphe des patriciens. Quant à M. Fox, ce n’est pas chez les anciens qu’il faut lui chercher un modèle, c’est à lui d’en servir, et son école tôt ou tard doit régir le monde. »

L’Empereur s’est fort étendu alors sur M. Fox ; il répétait l’avoir fort goûté, beaucoup aimé. Il avait placé son buste à la Malmaison avant de le connaître personnellement. Il a conclu en disant ce qu’il a déjà exprimé souvent et sous bien des formes : « Assurément l’instant de la mort de M. Fox est une des fatalités de ma carrière, a-t-il dit ; s’il eût continué de vivre, les affaires eussent pris une tout autre tournure, la cause des peuples l’eût emporté, et nous eussions fixé un nouvel ordre de choses en Europe. »

L’Empereur, revenant ensuite à la compagnie des Indes, a dit que c’était une grande question que le monopole d’une compagnie, ou la liberté du commerce pour tous. « Une compagnie, observait-il, plaçait de très grands avantages entre les mains de quelques-uns qui peuvent faire très bien leurs affaires, tout en négligeant celles de la masse ; aussi toute la compagnie dégénérait-elle bientôt en oligarchie, toujours amie du pouvoir et prête à lui donner secours ; et, sous ce rapport, les compagnies tenaient tout à fait du vieux temps et des anciens systèmes. Le commerce libre, au contraire, tenait à toutes les classes, agitait toutes les imaginations, remuait tout un peuple ; il était tout à fait identique avec l’égalité, portait naturellement à l’indépendance ; et, sous ce rapport, tenait beaucoup plus à notre système moderne.

« Après le traité d’Amiens, qui rendait à la France ses possessions dans l’Inde, j’ai fait discuter devant moi, longtemps et à fond, cette grande question ; j’ai écouté des hommes du commerce, entendu des hommes d’État, et j’ai prononcé pour le commerce libre et rejeté les compagnies. »

De là l’Empereur est passé à plusieurs points d’économie politique consacrés par Smith dans sa Richesse des Nations. Il les avouait vrais en principe, mais les démontrait faux dans leur application. Malheureusement ici encore je ne retrouve que de stériles indications.

Il a terminé en disant : « Jadis on ne connaissait qu’une espèce de propriété, celle du terrain ; il en est survenu une nouvelle, celle de l’industrie, aux prises en ce moment avec la première ; puis une troisième, celle dérivant des énormes charges perçues sur les administrés, et qui, distribuées par les mains neutres et impartiales du gouvernement, peuvent garantir du monopole des deux autres, leur servir