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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/427

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Bernadotte ! Sa maison ! et de la part de M. le comte d’Artois !

« Dans son enivrement, il sacrifia sa nouvelle patrie et l’ancienne, sa propre gloire, sa véritable puissance, la cause des peuples, le sort du monde ! C’est une faute qu’il paiera chèrement ! À peine il avait réussi dans ce qu’on attendait de lui, qu’il a pu commencer à le sentir : il s’est même, dit-on, repenti ; mais il n’a pas encore expié. Il est désormais le seul parvenu occupant un trône ; le scandale ne doit pas demeurer impuni, il serait d’un trop dangereux exemple !… »


L’Empereur a peu de confiance dans l’issue de 1815 – Thémistocle – À un moment la pensée, dans la crise de 1814, de rétablir lui-même les Bourbons – Ouvrage du baron Fain sur la crise de 1814 – Abdication de Fontainebleau ; particularités – Traité de Fontainebleau, etc., etc.


Mardi 12.

L’Empereur, revenant sur son apparition de l’île d’Elbe et sa seconde chute à Waterloo, y a mêlé quelques paroles remarquables. « Il est sûr, disait-il, que dans ces circonstances je n’avais plus en moi le sentiment du succès définitif ; ce n’était plus ma confiance première : soit que l’âge, qui d’ordinaire favorise la fortune, commençât à m’échapper, soit qu’à mes propres yeux, dans ma propre imagination, le merveilleux de ma carrière se trouvât entamé, toujours est-il certain que je sentais en moi qu’il me manquait quelque chose. Ce n’était plus cette fortune attachée à mes pas, qui se plaisait à me combler, c’était le destin sévère auquel j’arrachais encore, comme par force, quelques faveurs, mais dont il se vengeait tout aussitôt ; car il est remarquable que je n’ai pas eu alors un avantage qu’il n’ait été immédiatement suivi d’un revers.

« J’ai traversé la France, j’ai été porté jusqu’à la capitale par l’élan des citoyens et au milieu des acclamations universelles ; mais à peine étais-je dans Paris que, comme par une espèce de magie, et sans aucun motif légitime, on a subitement reculé, on est devenu froid autour de moi.

« J’étais venu à bout de me ménager des raisons plausibles, d’obtenir un rapprochement sincère avec l’Autriche ; je lui avais expédié des agents plus ou moins avoués[1]. Mais Murat se trouva là avec sa fatale

  1. Entre autres le baron de Stassard dont le dévouement connu lui mérita la confiance d’être chargé par Napoléon d’aller négocier, au congrès de Vienne, le maintien de la paix de Paris ; mais il ne put aller au-delà de Lintz ; les plus ardents et les plus acharnés dans les cabinets alliés ayant pris la précaution de faire consacrer en principe que toute communication serait absolument interdite avec Napoléon. Il fut pourtant communiqué indirectement à M. le baron de Stassard que si Napoléon voulait abdiquer en faveur de son fils, avant toute hostilité, l’Autriche adopterait ce parti, pourvu toutefois encore que Napoléon se livrât à son beau-père qui lui garantissait de nouveau la souveraineté de l’île d’Elbe, ou toute autre souveraineté analogue.