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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/448

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nouveler ce mot des fiers Gaulois : Si le ciel venait à tomber, nous le soutiendrions de nos lances. »

Dans son système et ses intentions, la conscription, loin de nuire à l’éducation, en fût devenue l’instrument. L’Empereur en serait arrivé, disait-il, à avoir dans chaque régiment une école pour le commencement ou la continuation de l’enseignement dans tous les genres, soit pour la ligne scientifique, pour les arts libéraux ou pour les simples mécaniques. « Et rien de plus aisé que d’obtenir tout cela, remarquait-il ; le principe une fois adopté, vous eussiez vu chaque régiment tirer tout ce qui eût été nécessaire de ses rangs mêmes. Et quel bienfait le déversement de tous ces jeunes gens avec leurs connaissances acquises, n’eussent-elles été qu’élémentaires, avec les mœurs qui en dérivent nécessairement, n’aurait-il pas été produire dans la masse de la société ! etc. »

Un jour l’Empereur disait encore que, s’il eût eu du loisir, il y avait peu d’institutions sur lesquelles il n’eût porté la main ; et il s’arrêtait sur le fléau des procès, qu’il disait être une véritable lèpre, un vrai cancer social : « Déjà mon Code, disait-il, les avait singulièrement diminués en mettant une foule de causes à la portée de chacun ; mais il restait encore beaucoup à faire au législateur, non qu’il dût se flatter d’empêcher les hommes de quereller : ce devait être de tout temps. Mais il fallait empêcher un tiers de vivre des querelles des deux autres, empêcher qu’il les excitât même, afin de mieux vivre encore. J’aurais donc voulu établir qu’il n’y eût d’avoués ni d’avocats rétribués que ceux qui gagneraient leurs causes. Par là que de querelles arrêtées ! car il est bien évident qu’il n’en serait pas un seul qui, du premier examen d’une cause, ne la repoussât si elle lui semblait douteuse. On ne saurait craindre qu’un homme vivant de son travail voulût s’en charger pour le seul plaisir de bavarder ; et même, dans ce cas encore, le travers ne serait nuisible qu’à lui seul. Mais avec les praticiens, observait l’Empereur, les choses les plus simples se compliquent tout aussitôt. On me présenta une foule d’objections, une multitude d’inconvénients ; et moi, qui n’avais pas de temps à perdre, j’ajournai ma pensée. Mais, encore aujourd’hui, je reste convaincu qu’elle est lumineuse, et qu’en la creusant, la retournant ou la modifiant, on pourrait en tirer grand parti. »

Puis venaient les curés, qu’il eût voulu rendre très importants et fort utiles. « Plus ils sont éclairés, disait-il, moins ils sont portés à abuser de leur ministère. » Aussi à leur cours de théologie aurait-il voulu