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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/498

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Je prends un parti ; mes lettres à sir Hudson Lowe, etc..


Dimanche 1er décembre au vendredi 6.

Cependant les jours de notre emprisonnement s’écoulaient, et le gouverneur, bien qu’il continuât de nous visiter souvent, ne nous parlait pas d’affaires : seulement il m’avait laissé entrevoir que mon séjour dans l’île, et au secret, pourrait se continuer jusqu’au retour des nouvelles de Londres. Près de huit jours étaient déjà passés sans le moindre pas vers un dénouement quelconque. Cet état passif et inerte n’était pas dans ma nature. La santé de mon fils était par moments des plus alarmantes. Privé de toute communication quelconque avec Longwood, je demeurais seul vis-à-vis de moi-même. Je méditais sur cette situation, j’arrêtai un plan et pris un parti : je le choisis extrême, pensant que, s’il était approuvé de l’Empereur, il pourrait être utile, et que rien ne me serait plus facile que de revenir en arrière si c’était son désir. En Conséquence, j’écrivis au gouverneur la lettre suivante :

« Monsieur le gouverneur, par suite d’un piège tendu par mon valet, j’ai été enlevé de Longwood le 25 du courant, et tous mes papiers saisis. Je me suis trouvé avoir enfreint vos restrictions, auxquelles je m’étais soumis. Mais ces restrictions, vous ne les aviez confiées ni à ma parole ni à ma délicatesse : elles m’eussent été sacrées. Vous les aviez confiées à des peines, j’en ai couru les risques ; vous avez appliqué ces peines à votre fantaisie, je n’y ai rien objecté. Jusque-là rien de plus régulier ; mais la peine a ses limites, sitôt que la faute est circonscrite. Or, qu’est-il arrivé ? Deux lettres ont été données à votre insu : l’une est une relation de nos évènements au prince Lucien, relation qui était destinée à passer par vos mains, si vous ne m’aviez fait dire que la continuation de mes lettres et de leur style me ferait éloigner, par vous, d’auprès de l’Empereur.

« La seconde est une simple communication d’amitié. Cependant cette circonstance a mis en vos mains tous mes papiers ; vous en avez vu les plus secrets. J’ai mis une telle facilité à vos recherches que je me suis prêté à vous laisser parcourir, sur votre parole privée, ce qui n’était connu que de moi, n’était encore que des idées ou des rédactions informes, non arrêtées, susceptibles d’être à chaque instant corrigées, rectifiées, modifiées ; en un mot, le secret, le chaos de mes pensées. J’ai voulu vous convaincre par là, et, j’en appelle à votre bonne foi, j’espère vous avoir convaincu que, dans la masse des papiers que vous avez sommairement parcourus, il n’existe rien de ce