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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/501

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des lois, si je suis trouvé coupable, elles pourvoiront assez à l’inconvénient qu’on a voulu éviter. Si je ne le suis pas, il restera contre moi l’alien-bill, ou même encore ma soumission volontaire, donnée ici d’avance à toutes les précautions, même arbitraires, qu’on croira devoir prendre à ce sujet vis-à-vis de moi.

« Monsieur le gouverneur, sans connaître encore quels peuvent être vos projets sur ma personne, je me suis imposé déjà moi-même le plus grand des sacrifices. Je ne suis encore qu’à quelques pas de Longwood, et déjà peut-être l’éternité m’en sépare : pensée affreuse qui me déchire et va me poursuivre !… Il y a peu de jours encore, vous m’eussiez arraché jusqu’aux dernières soumissions par la crainte de me voir éloigner de l’empereur Napoléon. Aujourd’hui vous ne sauriez plus m’y faire revenir. On m’a souillé en me saisissant presque à sa vue. Je ne saurais plus désormais lui être un objet de consolation ; ses regards ne rencontreraient en moi qu’un objet flétri et des souvenirs de douleurs. Pourtant sa vue, les soins que je me plaisais à lui donner, me sont plus chers que la vie. Mais peut-être qu’au loin on prendra pitié de ma peine ! Quelque chose me dit que je reviendrai, mais par une route purifiée, amenant avec moi tout ce qui m’est cher, pour entourer de nos soins pieux et tendres l’immortel monument que rongent sur un roc, au bout de l’univers, l’inclémence de l’air et la mauvaise foi, la dureté des hommes. Vous m’avez parlé de vos peines, monsieur le gouverneur ; nous ne soupçonnons pas, m’avez-vous dit, toutes vos tribulations ; mais chacun ne connaît, ne sent que son mal. Vous ne soupçonnez pas non plus le crêpe funèbre que vous tenez étendu sur Longwood. J’ai l’honneur, etc. »

Une fois la correspondance établie avec sir Hudson Lowe, je ne demeurai plus oisif. Dès le lendemain, je lui écrivis de nouveau pour lui dire qu’en conséquence de ma lettre de la veille, je le sommais officiellement et authentiquement de m’éloigner de Sainte-Hélène, et de me renvoyer en Europe. Le jour suivant, je poursuivis auprès de lui la même idée, sous mes rapports et ma situation domestiques.

« Dans mes deux précédentes, lui mandais-je, qui traitaient toutes deux de ma situation politique, j’avais cru peu digne et peu convenable de mêler un seul mot de ma situation domestique ; mais aujourd’hui que, par suite de ces deux mêmes lettres, je me regarde comme rentré dans la masse de vos administrés, à titre de passager accidentel dans votre île, je n’hésite pas à vous entretenir de toute l’horreur de ma situation privée. Vous connaissez l’état affreux de la santé de