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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/500

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des matériaux encore informes, dont je pouvais sans scrupule désavouer presque toutes les parties, parce qu’elles étaient loin d’être arrêtées encore vis-à-vis de moi-même ; dans lequel, chaque jour, il m’arrivait de redresser, à l’aide d’une conversation nouvelle, les erreurs d’une conversation passée, erreurs toujours inévitables et fréquentes, et dans celui qui parle sans croire être observé, et dans celui qui recueille sans se croire tenu à garantir. Quant à ce qui vous y concerne, Monsieur, si vous avez eu à vous récrier maintes fois sur l’opinion et les faits que j’ai émis sur votre personne, rien ne vous est plus aisé, d’homme à homme, que de me faire connaître mon erreur. Vous ne me rendrez jamais plus heureux que de me donner l’occasion d’être juste, et à la suite des éclaircissements, quelle que soit l’opinion dans laquelle je persiste, vous serez forcé du moins de reconnaître ma droiture et ma bonne foi.

« Du reste, quel que soit le parti que vous comptiez prendre à mon égard, monsieur le gouverneur, à compter de cet instant je me retire, autant que l’admet la position où je me trouve, de la sujétion volontaire à laquelle je m’étais soumis vis-à-vis de vous. Quand j’en pris l’engagement, vous me dites que je demeurais toujours maître de le rétracter : or, à compter de cet instant, je veux rentrer dans la classe commune des citoyens. Je me remets sous l’action de vos lois civiles ; je réclame vos tribunaux. Je n’implore pas leur faveur, mais seulement leur justice et leur jugement. Je pense, monsieur le général, que vous portez trop de respect à vos lois et avez trop de justice naturelle dans le cœur, pour vous faire l’injure de vous observer que vous deviendriez responsable de toutes les violations que ces lois peuvent éprouver vis-à-vis de moi, directement et indirectement. Je ne pense pas que la lettre de vos instructions, qui vous porterait à me retenir ici ou au Cap plusieurs mois prisonnier, pût vous mettre à l’abri de l’esprit de ces mêmes instructions, invoqué par la force, la supériorité, la majesté des lois.

« Ces instructions, si j’ai compris, en vous prescrivant de retenir toute personne de l’établissement de Longwood un certain temps avant de la rendre à la liberté, n’ont pour but, sans doute, que de dérouter et de laisser vieillir les communications que l’on pourrait avoir eues avec cette affreuse prison : or, la manière dont j’en ai été enlevé a suffi pour remplir ce but. On m’a rendu impossible d’en emporter aucune idée concertée. J’y ai été comme frappé de mort subite. D’ailleurs, envoyé en Angleterre comme prévenu, et sous l’action