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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/504

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employer sir Hudson Lowe lui-même. Je demandai à faire parvenir mes adieux à mes compagnons, et j’écrivis la lettre suivante :

« Monsieur le grand maréchal, arraché d’au milieu de vous, laissé à moi-même, privé de toutes communications, j’ai dû trouver mes décisions dans mon propre jugement et dans mes seuls sentiments. Je les ai adressées officiellement au gouverneur sir Hudson Lowe, le 30 novembre dernier. Pour répondre à la liberté qui m’est laissée, je m’abstiens de vous en dire aucun mot, et m’en repose sur la délicatesse de l’autorité supérieure, pour vous communiquer ma lettre dans son entier, si jamais il était question d’une de ses parties… Je m’abandonne à ma destinée…

« Il ne me reste qu’à vous prier de mettre mon respect, mon amour, mes vœux aux pieds de l’Empereur. Ma vie n’en demeure pas moins à lui tout entière. Je n’aurai jamais de bonheur qu’auprès de son auguste personne.

« Dans la malheureuse pénurie où vous êtes tous, j’aurais désiré ardemment laisser après moi quelques diamants de ma femme… un collier… le denier de la veuve ! mais comment oser en faire l’offre ? J’ai souvent fait celle des quatre mille louis que je possède, disponibles en Angleterre, je la renouvelle encore ; ma nouvelle position, quelle qu’elle puisse être, n’y doit rien changer. Je serai désormais fier du besoin ! Daignez peindre de nouveau à l’Empereur, monsieur le grand maréchal, mon dévouement, ma fidélité, ma constance inaltérable…

« Et vous, mes chers compagnons de Longwood, que j’aie toujours vos souvenirs ! je connais toutes vos privations et vos peines ; j’en emporte la plaie dans mon cœur. De près, je vous étais de peu de chose ; au loin, vous connaîtrez mon zèle et ma tendre sollicitude, si l’on a l’humanité de m’en permettre l’emploi. Je vous embrasse tous bien tendrement, et vous prie, monsieur le grand maréchal, d’y ajouter pour vous le sentiment de ma vénération et de mon respect. »

Sir Hudson Lowe, à qui je remis cette lettre ouverte (c’était sa condition), la lut, l’approuva, et eut la bonté de se charger de la remettre lui-même ; ce qui réveilla en effet l’attention de l’Empereur, et ne contribua pas peu, bien qu’indirectement, à faire rentrer le riche dépôt dans les mains de Napoléon.


Mes griefs personnels contre sir Hudson Lowe – Traits caractéristiques.


Samedi 7 au lundi 9.

Un de ces jours, j’ai invité l’officier de garde à dîner avec moi. Il m’a