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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/506

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par exemple, dans l’ouvrage de M. O’Méara, que précisément dans ces moments où je me croyais comblé par lui, où je me faisais une espèce de scrupule de l’éloignement que je lui avais porté, il faisait transmettre par ce docteur à Napoléon des aveux forgés par lui, déclarant les tenir de ma bouche même ou de ma propre main ; le tout dans l’espoir, sans doute, d’obtenir en retour, de Longwood, quelques paroles ou quelques lumières dont il pût tirer avantage. Il me faisait dire, entre autres choses, que je lui avais avoué qu’il n’avait point de torts à notre égard ; mais que nous étions convenus entre nous, à Longwood, de tout dénaturer à l’Empereur, afin de le tenir exaspéré. Quels indignes moyens ! quelles ignobles ressources !…

Je pourrais dire encore beaucoup pour mieux faire connaître ce gouverneur ; mais tout doit se taire devant le trait suivant, qui dispense de toute autre citation.

Mon fils continuait à être extrêmement malade ; ses palpitations étaient parfois si violentes qu’il lui arrivait de se jeter subitement à bas de son lit pour marcher à grands pas dans la chambre, ou venir prendre refuge dans mes bras, où il était à craindre qu’il n’expirât. Le docteur Baxter, chef médical dans l’île et le commensal de sir Hudson Lowe, vint, avec une politesse dont je conserve une douce et sincère reconnaissance, joindre ses soins à ceux du docteur O’Méara. Tous deux représentèrent à sir Hudson Lowe l’état critique de mon fils ; ils appuyèrent vivement la demande que je faisais de l’envoyer en Europe. Le docteur O’Méara, après une nouvelle crise, étant revenu seul à la charge, sir Hudson Lowe mit fin à son importunité par ces mots, que M. O’Méara a répétés depuis à mon fils et à moi-même : Eh bien ! Monsieur, après tout, que fait la mort d’un enfant à la politique !… Je m’abstiens de tout commentaire, je livre la phrase nue à tout cœur de père et à celui de toutes les mères !


La fameuse pièce clandestine – Mon interrogatoire par sir Hudson Lowe.


Mardi 10 au dimanche 15.

Le gouverneur, dans ses nombreuses visites qu’il répétait presque chaque jour, revenait souvent, par un motif ou par un autre, à fouiller de nouveau dans mes divers papiers : je m’y prêtais toujours avec la dernière facilité ; j’avais à cœur de lui prouver en cela ma complaisance et ma modération, ce qui m’obtenait bien quelques paroles flatteuses, mais jamais la moindre condescendance. Un jour, en remuant tous ces paquets, deux liasses demeurèrent par mégarde en dehors de