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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/517

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de la maison, ou dans une allée du voisinage, quand le soleil baissait, ou que le clair de lune nous le rendait praticable.

« Nous passâmes deux mois de la sorte, au bout desquels nous fûmes transportés à Longwood, que nous occupons en cet instant. Il avait fallu tout ce temps pour les premières réparations. La colonie s’y trouva toute réunie, à l’exception du grand maréchal et de sa femme : le manque d’espace les força de demeurer à deux ou trois milles, dans une maison séparée.

« Longwood n’était, dans le principe, qu’une ferme de la compagnie ; elle avait été abandonnée au dernier sous-gouverneur, qui était venu à bout d’en faire une demeure de campagne. Les additions actuelles ont été faites avec une telle hâte, qu’elles n’offraient que des réduits fort insalubres, et elles sont si frêles, qu’au bout de l’année la plupart se trouveront probablement hors de service.

« L’Empereur est très-mal, et nous à peu près au bivouac. Pour votre parfaite connaissance, Monseigneur, je joins ici le plan de l’établissement que mon fils avait tracé pour sa mère. N’ajoutez donc aucune foi au fameux palais de bois dont ont retenti tous les papiers d’Angleterre. La pompe est pour l’Europe, la misère pour Sainte-Hélène. Il est bien vrai qu’il y a quelque temps il est arrivé un grand nombre de madriers bruts ; mais comme il a été calculé qu’il faudrait de sept à huit ans pour accomplir leur emploi, que nous demeurerions tout ce temps au milieu des ouvriers, et que cela coûterait des sommes énormes, on y a renoncé. Ils pourrissent sur la plage.

« Ce n’est pas qu’il n’y ait dans l’île des demeures préférables à Longwood : Plantation-House surtout, la demeure des gouverneurs, est une bâtisse européenne, avec un joli jardin, de l’ombrage et tous les agréments qu’on peut attendre ici. L’Empereur y eût été beaucoup plus convenablement, et l’on eût épargné de grandes dépenses. Mais le déplacement d’un gouverneur pour l’illustre proscrit eut été une mesure d’égards que les ministres anglais, nous a-t-on dit, se sont empressés d’interdire. Les dehors de Longwood sont vraiment misérables ; on ne saurait y rien faire venir, ou du moins cela demanderait des soins fort au-dessus de ceux dont nous sommes capables. Pour dire tout en un seul mot, c’est la partie déserte de l’île ; la nature en a repoussé constamment jusqu’ici la population et la culture ; l’eau y est très rare, il n’y a point d’ombre ; on n’y trouve que des bruyères marines, quelques arbrisseaux, et des gommiers, espèce d’arbre bâtard et difforme, ne donnant ni feuilles, ni ombrage. On y est littéralement infesté de rats et de souris.