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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/522

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tits détails domestiques ; il a interdit tout rapport avec les habitants, éloigné la communication des officiers de sa propre nation ; il nous a entourés de fossés, ordonné des palissades, multiplié les soldats, encerclé des prisons dans des prisons, il nous a environnés de terreur et mis au secret. L’Empereur ne se voit plus que dans un donjon. Il ne sort plus de sa chambre. Le peu d’audiences qu’il a accordées à cet officier ont été désagréables et pénibles. Il y a mis un terme, et est résolu de ne plus recevoir ce gouverneur. « J’avais à me plaindre de l’amiral, a-t-il dit ; mais du moins il avait un cœur ; pour celui-ci, il n’a rien d’anglais, ce n’est qu’un mauvais sbire de Sicile. »

« Sir Hudson Lowe se rejette de tous ces griefs, il est vrai, sur les instructions de ses ministres. Si sir Hudson Lowe est exact, ses instructions sont barbares. Pour nous, nous pouvons affirmer qu’il les exécute barbarement.

« L’Empereur ne saurait survivre longtemps à de pareils traitements. Toute la faculté le pense ainsi. Et que ne dira pas l’histoire ! Sir Hudson Lowe ne disconvient pas que sa vie ne soit en danger ; mais il répond froidement que ce sera sa faute, que c’est lui qui l’aura voulu. La dernière conversation de l’Empereur avec lui a été vive et remarquable. Ayant prétexté des communications importantes, l’Empereur s’en est laissé accoster dans sa promenade. C’était pour lui dire que les dépenses annuelles de l’établissement étant de vingt mille livres sterling, et le gouvernement n’en accordant que huit mille, il voulut bien lui remettre entre les mains les douze mille qui restaient de déficit. L’Empereur, choqué, l’a prié de vouloir bien lui épargner ces objets ; et comme sir Hudson Lowe s’obstinait à vouloir les discuter, l’Empereur s’est emporté et lui a dit « de le délivrer de ces ignobles détails et de le laisser tranquille ; qu’il ne lui demandait rien ; que, quand il aurait faim, il irait s’asseoir à la gamelle de ces braves (en montrant de la main le camp du 53e), lesquels ne repousseraient sûrement pas le plus vieux soldat de l’Europe. » Il en est résulté néanmoins que l’Empereur a été réduit à faire briser et vendre son argenterie pour fournir, mois à mois, à compléter le strict nécessaire ; et vous auriez été touché, Monseigneur, de la douleur et des larmes des gens, à ce spectacle si éloigné de leurs idées.

« Vous, Monseigneur, qui connaissez l’abondance à laquelle l’Empereur était accoutumé, vous vous récrieriez sans doute ; mais vous savez aussi le véritable prix qu’il attachait à toutes ces choses. Il s’indigne, et ne se plaint pas. Toutefois s’être saisi, par la fraude, de ce