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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/529

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« Votre société m’était nécessaire. Seul, vous lisez, vous parlez et entendez l’anglais. Combien vous avez passé de nuits pendant mes maladies. Cependant je vous engage, et au besoin vous ordonne de requérir le commandant de ce pays de vous renvoyer sur le continent : il ne peut point s’y refuser, puisqu’il n’a d’action sur vous que par l’acte volontaire que vous avez signé. Ce sera pour moi une grande consolation que de vous savoir en chemin pour de plus fortunés pays.

« Arrivé en Europe, soit que vous alliez en Angleterre ou que vous retourniez dans la patrie, oubliez le souvenir des maux qu’on vous a fait souffrir ; vantez-vous de la fidélité que vous m’avez montrée et de toute l’affection que je vous porte.

« Si vous voyez un jour ma femme et mon fils, embrassez-les ; depuis deux ans, je n’en ai aucunes nouvelles directes ni indirectes.

(Manquait ici trois ou quatre lignes[1].)

« Toutefois consolez-vous, et consolez mes amis. Mon corps se trouve, il est vrai, au pouvoir de la haine de mes ennemis : ils n’oublient rien de ce qui peut assouvir leur vengeance : ils me tuent à coups d’épingle ; mais la Providence est trop juste pour qu’elle permette que cela se prolonge, longtemps encore. L’insalubrité de ce climat dévorant, le manque de tout ce qui entretient la vie, mettront, je le sens, un terme prompt à cette existence.

(Manquait ici quatre ou cinq lignes[2].)

« Comme tout porte à penser qu’on ne vous permettra pas de venir me voir avant votre départ, recevez mes embrassements, l’assurance de mon estime et de mon amitié ; soyez heureux !

« Longwood, le 11 décembre 1816. — Votre dévoué, Napoléon.


Sur la lettre de l’Empereur – Réflexions – Détails – Nouvelles difficultés de sir Hudson Lowe.


Mardi 17, au jeudi 19.

La lettre de l’Empereur était pour moi un véritable bonheur, j’y revenais sans cesse ; elle détruisait mes inquiétudes, raffermissait mes

    Sans doute que l’on trompe de même le gouvernement anglais par des récits adroits et mensongers.
      « On a saisi vos papiers, parmi lesquels on savait qu’il y en avait qui m’appartenaient, sans aucune formalité, à côté de ma chambre, avec un éclat et une joie féroce. J’en fus prévenu peu de moments après ; je mis la tête à la fenêtre, et je vis qu’on vous enlevait. Un nombreux état-major caracolait autour de la maison ; il me parut voir des habitants de la mer du Sud danser autour du prisonnier qu’ils allaient dévorer. »

  1. « Il y a dans ce pays, depuis six mois, un botaniste allemand qui les a vus dans le jardin de Schœnbrunn, quelques mois avant son départ. Les barbares ont empêché soigneusement qu’il ne vînt me donner de leurs nouvelles ! »
  2. « … dont les derniers moments seront un acte d’opprobre pour le caractère anglais ; et l’Europe signalera un jour avec horreur cet homme astucieux et méchant ; les vrais Anglais le désavoueront pour Breton. »