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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/530

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pensées ; elle me rendait heureux. Je la relisais soigneusement, j’en pesais toutes les paroles, je me plaisais, d’après la connaissance que j’avais de l’Empereur, à imaginer comment elle avait été amenée ; je voyais son inquiétude sur ce qui pouvait avoir produit mon enlèvement, sa surprise d’entendre parler de correspondance clandestine ; je le suivais dans sa manière habituelle de considérer une affaire sous toutes ses faces ; j’apercevais sa sagacité se fixer précisément sur ce qui avait eu lieu, et se déterminer alors à m’écrire en conséquence, et je devinais si juste en toutes ces choses, que j’ai appris depuis qu’après quelque délai il m’avait écrit sans savoir, en effet, nullement quelles pouvaient être les pièces qui m’avaient fait arrêter.

Et quel prix je devais mettre à cette lettre ! moi qui lui avais entendu dire si souvent qu’il n’écrirait pas à sa femme, à sa mère, à ses frères, puisqu’il ne le pouvait sans que ses lettres fussent ouvertes et lues par ses geôliers. Or ici ma lettre avait été ouverte, et de son consentement, et de ses propres mains ; car, après avoir été expédiée à sir Hudson Lowe par l’officier de garde, elle avait été renvoyée par sir Hudson Lowe avec cette observation qu’elle ne pouvait être remise qu’après qu’il l’aurait lue, et s’il le jugeait convenable. On la reporta donc à l’Empereur : il était étendu sur son canapé quand elle lui fut remise avec cette nouvelle