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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/570

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nobles, et eut, à ce sujet, plusieurs querelles avec Robespierre, , qui sur la fin en avait protégé plusieurs. Il était membre du comité de salut public avec Robespierre, Couthon, Saint-Just, et ce fut le seul qu’on ne dénonça jamais. Il demanda à être jugé, pour sa conduite, avec ceux qu’il appelait ses collègues, ce qui lui fut refusé ; mais sa demande de partager leur sort lui fit un grand honneur.

« Barras, ajouta Napoléon, était emporté ; il avait peu d’instruction et de résolution. Il était léger et méritait peu sa réputation ; la brusquerie de ses manières et les retentissements de sa voix, lorsqu’il commençait un discours, donnaient de lui une autre idée que l’idée généralement reçue. »

Le gouverneur s’est présenté à Longwood. Je lui ai dit qu’il y avait quelque amélioration dans la santé de l’Empereur ; que cependant je ne croyais pas ce mieux durable s’il persistait à garder la chambre ; que, dans ce cas, je ne lui donnerais pas deux années à vivre. « Mais pourquoi ne sort-il pas ? demanda durement le gouverneur. — C’est parce que trop d’entraves gênent sa liberté. Pourquoi des factionnaires à six heures du soir, avec ordre d’arrêter toute personne qui voudrait passer ? C’est pourtant l’heure où la douceur de la température invite à sortir. — Mais, répondit le gouverneur, le soleil ne se couche pas à six heures. » Je lui répliquai que le soleil se couchait aussitôt après six heures, et qu’entre les tropiques le crépuscule était fort court. Hudson Lowe fit appeler sir Poppleton, capitaine, et lui demanda des renseignements sur la pose des sentinelles. Poppleton nous dit que les ordres étaient verbalement donnés aux factionnaires, qu’il pouvait bien en résulter par moments quelque confusion, des désagréments pour les habitants. Hudson Lowe dit qu’il trouvait bien étrange que le général Bonaparte refusât de sortir à cheval avec un officier anglais. « Il sortirait vraisemblablement, ajoutai-je, mais ménagez les formes ; par exemple, lorsqu’il monte à cheval, ne le faites suivre qu’à quelque distance. Un seul officier peut surveiller ses mouvements ; Napoléon connaîtrait sa mission, mais il ne paraîtrait pas y songer. Il serait avec cela aussi sûrement gardé que si cet officier courait à ses côtés. » Hudson me dit qu’il y réfléchirait, et m’engagea de lui transmettre par écrit mon opinion sur la santé du général Bonaparte. Il ajouta : « La vie d’un tel homme ne peut pas entrer en balance avec le mal qu’il peut causer s’il parvenait à s’échapper, et que je ne devais pas oublier que le général Bonaparte avait été le fléau du monde. »

On vient de briser de nouveau une partie de l’argenterie de Napo-