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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/571

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léon, pour pourvoir à la sustentation de Longwood. Cet acte s’est exécuté déjà en présence d’agents anglais.

La santé de l’Empereur s’améliore ; il m’a fait plusieurs questions anatomiques et physiologiques ; il m’a dit qu’il avait étudié l’anatomie pendant quelques jours mais que la vue des cadavres ouverts l’avait rendu malade, et qu’il avait abandonné cette science. H exposa après ses idées sur l’âme.

L’Empereur a répété qu’il ne songeait pas à s’échapper, mais il n’a point donné sa parole. Il ne la donnerait même pas, parce qu’alors il avouerait qu’il est prisonnier selon les lois ordinaires. Il ajouta qu’au lieu de restrictions qu’on lui inflige, il vaudrait mieux s’assurer, au départ de chaque vaisseau, s’il est présent dans l’ile. « Sans doute il est nécessaire à ma santé que je fasse sept à huit lieues par jour ; mais j’y renonce s’il faut que j’aie derrière moi un officier anglais. Ma maxime, c’est qu’un bon esprit brave l’infortune, que le plus noble courage est de lui résister. »

« Ces palais qu’ils m’adressent, et il souriait, ne me serviront pas plus que de l’argent jeté à la mer. Je préférerais à tout cela l’envoi de quatre cents bons volumes. Ne me faudrait-il pas des années pour faire élever ce palais ? d’ici là je ne serai plus. D’ailleurs ce sont vos malheureux marins et vos soldats qui feraient ces travaux ; j’en serais maudit, et je ne veux leur laisser aucun souvenir pénible. Je préfère l’intérêt de ces braves gens que mon sort attendrit tous les jours et qui me traitent avec respect. »

Il parla de quelques officiers anglais. « Moore était un brave soldat, un officier rempli de talents. Il a fait des fautes qui étaient probablement le résultat des difficultés qui l’entouraient, et qui furent causées peut-être par la fausse route que lui firent prendre les informations qu’il recevait. » Il répéta plusieurs fois cet éloge, et rappela qu’il avait commandé la réserve en Égypte, où il s’était très-bien comporté, et avait déployé des talents. J’ajoutai que Moore était toujours un des premiers au feu, et qu’il avait eu constamment le malheur d’être blessé. « Ah ! dit-il, cela est nécessaire quelquefois ; il est mort héroïquement, il est mort en soldat. Menou était un homme très-brave, mais il n’était pas soldat. Vous ne deviez pas conquérir l’Égypte si Kléber eût vécu ; jamais vous ne l’auriez conquise, surtout avec une armée dépourvue d’artillerie et de cavalerie. Les Turcs ne sont rien. La mort de Kléber fut une calamité pour la France. » Il me parla de quelques officiers de la marine française. « Villeneuve, prisonnier, fut amené