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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/574

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tractés par des Français en pays étrangers fussent valides au retour dans la patrie. »

Napoléon m’a fait, il y a quelque jours, plusieurs questions sur Londres. Je lui en ai prêté une histoire. Il parait connaître déjà l’ouvrage, bien qu’il ne l’ait vu que depuis quelques jours ; il explique ses gravures, et répète plusieurs cris des marchandes des rues. Il disait : « Si j’avais été roi d’Angleterre, j’eusse voulu faire construire une grande rue ou plutôt un beau quai de chaque côté de la Tamise et un autre depuis Saint-Paul jusqu’à la rivière. »

Trois commissaires sont arrivés sur le Newcastle : ce sont le comte Halmaine pour la Russie ; le baron Sturmer, accompagné de son épouse, pour l’Allemagne ; le marquis de Montchenu, pour la France, et le capitaine Gor, son aide de camp. Le baron Sturmer est accompagné d’un botaniste allemand.

18. — J’ai dit à Napoléon que j’étais allé à la ville, et que les commissaires pour la Russie, la France et l’Autriche étaient arrivés. « Avez-vous vu quelqu’un d’eux ? — Oui, j’ai vu le commissaire français. — Quelle espèce d’homme est-ce ? — C’est un vieil émigré, le marquis de Montchenu. Il est un peu difficile, mais ses manières sont douces ; il aime beaucoup à parler, et son extérieur prévient assez en sa faveur. »

J’ai appris à Napoléon que Drouot avait été acquitté. Sa joie fut visible Il parla avec chaleur des talents et des hautes vertus de Drouot, et ajouta que, d’après les codes français, il ne pouvait être condamné pour sa conduite.

20. — Le contre amiral sir Pultney-Malcolm, le capitaine de pavillon Meynel, et quelques autres officiers de marine ont été présentés à Napoléon.

2l. — J’ai vu Napoléon se promener dans le jardin ; je lui ai offert un livre que je m’étais procuré pour lui. Après m’avoir fait plusieurs questions sur madame Pierie, dame très-âgée et très-respectable à qui je donne des soins, il me dit qu’il avait vu le nouvel amiral. « Voilà un homme qui a réellement une physionomie agréable, ouverte, franche et noble ; c’est là la figure d’un Anglais. En vérité, j’éprouve autant de plaisir à le voir que si c’était une jolie femme ; il n’a rien de sombre, de louche, ni de dissimulé. Sa physionomie dit quel cœur il porte, et je suis sûr que cet homme est bon. Je n’ai pas vu un homme de qui j’ai conçu aussi vite une bonne opinion ! Quel beau vieillard, à l’air martial ! Il porte la tête haute, dit franchement et hardiment ce qu’il pense, sans craindre de vous regarder en face ;