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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/575

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sa figure fait désirer à tout le monde de le connaître, et rendrait l’homme le plus soupçonneux confiant avec lui. »

La conversation s’engagea ensuite sur la protestation qui avait été faite par Holland contre le bill pour la détention de Napoléon[1]. Celui-ci exprima l’opinion favorable qu’il avait de lord Holland, de ses talents distingués et de sa générosité. Il fut charmé d’apprendre que le duc de Sussex s’était réuni à lui pour protester, et il dit que lorsque la voix des passions actuelles serait éteinte, la conduite de ces deux pairs serait couverte de gloire, et celle des auteurs de la proposition serait chargée d’ignominie.

La réduction de notre armée fut une question qu’il examina. « Si le pied de guerre était tel qu’on voulut tenter d’ériger la nation en puissance militaire, la tentative était absurde ; la nation n’étant point assez nombreuse pour se donner le pied de puissance militaire en rapport avec celui des grandes puissances du continent, et même des puissances du dernier ordre. Comment, vos ministres négligent et dédaignent la marine, qui est la véritable force et le rempart de l’Angleterre ! Mais cette erreur vous perdra. »

23. — Plusieurs caisses de livres qui avaient été dirigées par Ber trand sur Madère, et apportées sur le Newcastle, par sir Pultney Malcolm, ont été envoyées hier à Napoléon. Je le trouvai dans sa chambre, entouré de volumes ; sa physionomie était changée ; il était d’une humeur charmante. Il avait passé la nuit à lire. Il me dit, en me montrant les livres qu’il avait, selon son habitude, jetés sur le plancher après les avoir lus : « Je lis quarante pages de français pendant le temps qu’il me faut pour en comprendre deux d’anglais »

Je m’aperçus ensuite qu’il avait ouvert lui-même les caisses, tant son empressement à voir les livres avait été grand.

J’ai rencontré Napoléon dans le jardin. Je lui annonçai que j’avais reçu, pour lui, de sir Thomas Reade, sept caisses de livres, et que le gouverneur y avait joint pour son usage deux fusils à percussion,

  1. Protestation contre la seconde lecture du bill de détention de Bonaparte.

    « sans avoir égard an caractére ou a la conduite de la personne qui est l’objet du présent bill, je désapprouve la mesure qu’il sanctionne et qu’il proroge.
    « Condamner à un exil lointain et à l’emprisonnement un chef étranger et captif, qui, après l’abdication de son autorité, et comptant sur la générosité des Anglais, s’est rendu à nous de préférence à ses autres ennemis, est indigne de la magnanimité d’un grand peuple ; et les traités par lesquels nous nous sommes engagés à le tenir enfermé, d’aprés le voeu des souverains à qui il ne s’était jamais rendu, me paraissent contraires à tous principes d’équité et tout à fait inutiles.

    « Wassal Holland. »

    A la troisième lecture. le duc de Sussex protesta par les mêmes motifs.