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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/581

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25. — J’ai dit à Napoléon qu’un vaisseau arrivé d’Angleterre, la nuit précédente, avait apporté la nouvelle que le général Bertrand, contumace, avait été condamné à mort. Il en parut un instant très-affligé ; il se remit, et me dit que, « d’après la législation française, un homme « accusé d’un crime capital pouvait être jugé et condamné par contumace, mais qu’on ne pouvait exécuter la sentence sans que l’homme eût été jugé de nouveau, lui présent ; et que si Bertrand se présentait, il serait acquitté comme Drouot. » Toutefois cet arrêt lui laissa du chagrin ; il craignait l’effet que cette nouvelle pourrait produire sur madame Bertrand. « En révolution, dit-il, on oublie tout. Le bien que vous faites aujourd’hui, demain sera oublié. La face des affaires une fois changée, reconnaissance, amitié, parenté, tous les liens se brisent, et chacun cherche son intérêt. »

27. — Le colonel Keating, dernier gouverneur de l’ile de Bourbon, a été reçu par Napoléon ; il a eu une entrevue qui a duré près d’une heure.

28. — J’ai prévenu l’Empereur que le commissaire de Russie n’avait pas signé, conjointement avec les autres commissaires, la demande officielle de le voir, adressée à Hudson Lowe. Il me répondit que les commissaires ne seraient jamais reçus par lui comme des personnages officiels.

Changeant de sujet, il continua.

« M. Hobhouse avait adressé à sir Hudson Lowe un ouvrage de lui sur mon règne, avec prière de me le faire remettre. Il y avait sur la reliure cette inscription en lettres d’or : « A Napoléon le Grand, ou à l’empereur Napoléon. » Ce galeriano n’a point voulu permettre qu’il me fût envoyé, parce qu’il pensait que j’éprouverais quelque plaisir à voir que tous les hommes ne lui ressemblaient pas, et que j’étais estimé par quelques-uns de ses compatriotes : Non credero che un uomo poteva a essere basso e vile a tal segno. »

Depuis la présence de sir Hudson Lowe, ou envoie un grand nombre de journaux à Longwood. Au lieu d’une série régulière de feuilles, il ne nous est parvenu que quelques numéros sans suite du Times et du Courier. Cette suspension a causé une grande inquiétude parmi les exilés de Longwood. Sir George Cockburn envoyait ses journaux régulièrement, et même avant de les avoir lus.

2 août. —Les pourvoyeurs n’ont apporté à Longwood, depuis quelques jours, que des pommes de terre. J’ai fait des plaintes.

Le colonel Maunsell a été présenté aujourd’hui par sir George Bingham. Napoléon s’est entretenu peu de temps avec ce dernier.