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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/620

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la garde nationale, les ouvriers donnaient près de quinze mille hommes.

« La ville d Anvers, quoique vieille, est bien fortifiée. Lord Chatam y montra une inhabileté sans exemple. L’expédition fut manquée dès qu’on eut perdu les premiers jours. Vous aviez trop et trop peu d’hommes ; trop pour un coup de main, et trop peu pour un siége régulier. « La population était tout entière contre vous ; elle avait bien vu que vous vous proposiez de saisir violemment la ville, de tout brûler, de tout détruire, puis de remonter sur vos vaisseaux et de fuir. Cette expédition vous fit un mal considérable : vos ministres ne connaissaient aucunement la situation du pays. Comment expliquer que, volontairement, on ait voulu rester dans un lieu pestilentiel, jusqu’à ce qu’on y ait perdu quelques milliers de braves soldats ? Cette résolution fut le comble de l’absurdité. Je fus charmé de ces fautes, elles servirent mes plans ; les progrès des maladies vous obligèrent, sans que j’eusse besoin de faire le moindre effort, d’évacuer le pays. Je n’avais envoyé là que des déserteurs et des mauvais sujets, j’avais donné ordre qu’on les fît coucher sur deux frégates que j’avais fait mener sur ce point ; on leur donna de l’eau fraîche et sans interruption : ce lieu néanmoins resta infect. L’Officier général qui défendit Flessingue ne tint pas aussi longtemps qu’il le devait. »

Lady Lowe est venue à Longwood, et, pour la première fois, elle a visité les comtesses Bertrand et Montholon. Napoléon me dit qu’il pensait que la visite de lady Lowe était une ruse de son mari per gettar la polvere negli occhi, pour faire croire que, malgré l’arrestation de Las Cases, le gouverneur était bien reçu à Longwood ; qu’il n’avait fait que son devoir. Je lui représentai qu’il était à ma connaissance que lady Lowe avait toujours eu le désir de voir les comtesses Bertrand et Montholon ; qu’elle avait saisi l’occasion qui s’était présentée depuis ses couches. Napoléon m’a répondu : « Je suis loin de penser que cette dame prenne part aux infamies de son mari ; mais le moment choisi pour sa visite n’est pas convenable. Comment ! il l’envoie à Longwood, en visite de politesse, quand notre compagnon Las Cases est traité avec barbarie ! Hier, après la visite de lady Lowe, madame Bertrand et sa famille allèrent se promener ; à leur retour, les sentinelles les arrêtèrent : on ne les laissa pas entrer, parce qu’il était six heures. Si le gouverneur voulait la paix, notre reconnaissance, il nous laisserait au moins jouir de la seule heure du jour où la promenade est agréable. S’il vous demande ce que je pense de la visite de son épouse, vous lui