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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/623

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donc a secouru le Portugal, en hommes et en argent ? Vous ; vous lui avez conservé l’existence comme nation. Ces arrangements eussent enrichi votre commerce, vos manufactures ; vos matelots eussent continué de servir sur vos vaisseaux ; ils n’eussent pas péri de faim après la victoire de l’Angleterre.

« Un grand nombre de ces marins furent forcés de prendre la solde des nations étrangères. Et votre populace, que ne souffre-t-elle pas malgré les souscriptions nationales ?

« La France possédera bientot le commerce du Brésil ; vos colonies vous fournissent plus de coton et de sucre que vous n’en avez besoin ; vous ne prendrez donc plus les productions américaines en échange des objets de votre fabrication. Les Français le feront, car la Martinique ne peut fournir à leur consommation : ils échangeront leurs marchandises fabriquées, leurs soieries, leurs meubles, leurs vins, etc., contre des denrées coloniales, et incessamment ils auront tout le négoce du Brésil : ils auront également la préférence dans le commerce avec les colonies espagnoles, à cause de la religion et parce que les Espagnols, comme les autres nations, sont jaloux d’un peuple dont la puissance maritime est trop étendue : ils aideront, par conséquent, à l’affaiblir ; et la manière la plus sûre d’y parvenir est de diminuer le commerce de l’Angleterre.

« Une autre preuve de l’ineptie de vos ministres, c’est d’avoir exclu les nations de l’Europe du commerce des Indes, spécialement les Hollandais, qui deviendront les plus grands ennemis de l’Angleterre. Lorsque la France se sera relevée, vous verrez la Hollande se joindre à elle pour vous dominer. Mon hypothèse porte sur ce qui doit se faire dans une vingtaine d’années. Si vous eussiez fait les demandes que je viens d’indiquer, elles vous auraient été accordées ; tant que vous conserverez la suprématie sur les mers, que vous insisterez sur ce prétendu droit de recherches et sur les autres articles de votre code de marine, les puissances continentales seront jalouses. Alors vous auriez pu conserver votre empire maritime, qui doit infailliblement déchoir si votre commerce relatif n’est pas plus étendu que celui des autres peuples. Mais vos ministres ont eu de fausses idées des choses. Ils se sont imaginé qu’ils pouvaient inonder le continent de marchandises anglaises, et en trouver le prompt débit. Non, non ; le monde est maintenant trop éclairé. Les Russes eux-mêmes diront : « Pourquoi, tandis que nos manufacturiers sont nombreux et instruits, enrichir cette nation pour la mettre en état d’entretenir le monopole