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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/659

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Napoléon m’a reparlé de lord Amherst. Il m’a dit que « ce serait insulter un ambassadeur chinois, si cet ambassadeur résidait à Londres, que de le soumettre par réciprocité aux formalités exigées à Pékin. A Pékin, ces cérémonies étant naturelles, il n’y a pas d’insulte faite à l’ambassadeur anglais : ce serait le contraire à Londres. « Si le roi de France exigeait de l’ambassadeur d’Angleterre qu’il lui baisât les mains, ce serait, parce que ce n’est pas l’usage en France, lui faire une insulte, bien que l’ambassadeur sût que cette cérémonie fût d’usage à Londres. Ainsi, demander à un mandarin de faire en face du portrait du roi Georges l’acte de politesse exigé à Pékin, d’après d’antiques usages, ce serait se rendre coupable d’une bêtise et d’une insulte relativement à la Chine. Mon Dieu, prenons les habitudes telles qu’elles sont ! Un cabinet habile envoie à Pékin pour traiter des affaires utiles au pays ; ce n’est pas pour discuter des formes d’étiquette puériles ; il se conforme à l’usage ; si on lui demande davantage, il refuse. »

2 avril. — Napoléon a retrouvé quelque gaieté en causant. Lui ayant dit qu’on avait répandu le bruit, dans le temps, qu’il avait quitté l’Égypte, parce qu’il avait cru que le Directoire voulait l’y faire assassiner : « C’est un mensonge ! s’écria-t-il ; cette idée n’est venue à personne. Les directeurs étaient jaloux de moi ; j’avais trop de gloire, mais nul parmi eux n’a eu la pensée de me faire assassiner, et, dans la situation où se trouvait la France, je ne crois même pas qu’ils aient pu désirer ma mort. Je suis revenu, parce que je pensais que ma présence était indispensable. »

Le capitaine Cook et M. Mackensie étant venus à Longwood ont été aperçus par Napoléon, qui les a fait demander.

27. — M. Mackensie était garde-marine du vaisseau qui transporta Napoléon à l’île d’Elbe. L’Empereur reconnut M. Mackensie ; il lui dit qu’il avait grandi considérablement depuis qu’il l’avait vu ; il lui demanda des nouvelles du capitaine Usher. N’adressant ensuite au capitaine Cook, il lui demanda depuis combien d’années il servait : « Depuis trente ans, » répondit-il. Napoléon fut surpris. Ayant demande le nom des affaires auxquelles il s’était trouvé, Cook cita Trafalgar.

Je dis à l’Empereur, quand ces deux officiers l’eurent quitté, que j’avais appris de leur bouche que les matelots de l’Indomptable l’aimaient beaucoup. « Je le crois, répondit-il, j’avais l’habitude de leur parler de leur existence, de leurs familles. Je blâme bien la manière avec laquelle vos officiers les traitent ! Les Anglais sont trop aristo-