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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/686

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reine de Prusse que ses ennemis avaient exagéré leurs reproches : « Et que disent-ils ? Prétendent-ils que je l’ai empoisonnée ? — Non ; mais ils parlent des chagrins que vous lui avez donnés ; c’est, disent-ils, la cause de sa mort.— Mais à qui la faute ? Cette sensibilité, à la vue des malheurs de sa patrie, l’honore ; mais pourquoi le roi et la reine ont-ils voulu la guerre ? »

Revenant ensuite à une idée que sa situation ramène toujours, Napoléon m’a dit avec calme : « Il serait plus honorable pour l’Angleterre de m’avoir fait fusiller sur-le-champ, dans le premier moment de rage, lorsque je me rendis sur le Bellérophon, que de me condamner à vivre sur ce rocher ! »

22. — J’ai vu Napoléon ; il s’est levé à quatre heures du matin et a écrit sans cesse. Il m’a fait voir son habit vert retourné.

« Si j’avais trouvé la mort à Moscou, j’eusse laissé la réputation la plus éclatante des siècles : il m’a manqué une balle.

« Il est vrai que je me suis relevé à Lutzen, à Bautzen, à Hanau. Les marches de la campagne de France en 1814 n’ont point affaibli cette réputation. Mon retour de l’île d’Elbe a bien montré que j’étais encore propre aux entreprises audacieuses.

« J’ai fait deux grandes fautes à Dresde, j’ai consenti à un armistice après d’éclatantes victoires, et je n’ai pas ensuite signé la paix. Si j’avais continué mes marches victorieuses, je revenais sur la Vistule, et