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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/693

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dis-je, que vos ennemis ont dit que vous l’aviez fait mettre à mort dans sa prison. » Voici sa réponse : « Je n’ai pas besoin de répondre à toutes les absurdités que l’on peut débiter. Quelle raison avais-je de faire mourir ce nègre après son arrivée en France ? et qu’aurais-je eu en vue ? L’une des plus grandes fautes que j’aie faites, ç’a été d’envoyer une armée à Saint-Domingue. J’aurais dû prévoir l’impossibilité du succès. C’est une faute grave : je suis coupable d’imprévoyance, de précipitation ; j’aurais dû reconnaître l’indépendance de Saint-Domingue et le gouvernement des hommes de couleur ; j’aurais dû leur envoyer des officiers français pour les organiser avant la paix d’Amiens. Si je m’y fusse pris de cette manière, je vous aurais fait un tort incalculable. Je vous enlevais la Jamaïque, et vos colonies se trouvaient compromises. L’indépendance de Saint-Domingue reconnue, je n’aurais pas eu à envoyer une armée pour combattre les noirs. Mais lorsque la paix fut signée, les anciens colons, les marchands et les spéculateurs m’accablèrent de demandes. La nation elle-même désirait recouvrer cette riche colonie ; j’ai cédé. Si, au contraire, j’avais fait mon traité avec les Haïtiens avant celui d’Amiens, j’aurais pu refuser de faire aucune démarche pour reprendre Saint-Domingue ; en agissant différemment, j’aurais été en contradiction avec moi-même. »