Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/703

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si j’eusse été un de ces principiolli d’Allemagne, votre oligarchie ne m’eût pas envoyé à Sainte-Hélène ; mon crime, à ses yeux, c’est d’être le souverain du peuple, de m’être élevé du rang le plus obscur au plus grand pouvoir, sans l’alliance de l’aristocratie et sans droits héréditaires. »

1er octobre 1817. — La santé de l’Empereur s’altère profondément. Il ressent des douleurs très-vives dans différentes parties du corps. Je lui ai prescrit des soins, mais il a secoué la tête en me disant : « On m’a envoyé ici pour mourir misérablement ! — Ne hâtez pas votre mort, lui ai-je dit — Ce qui est écrit est écrit. » Il porta les yeux vers le ciel. « Nos journées sont comptées. » J’ai répondu que, d’après cette doctrine, les secours de l’art seraient parfaitement inutiles. Il a gardé le silence.

2 — J’ai revu Napoléon à dix heures ; ses jambes sont très-enflées ; un bain lui serait utile, mais l’eau manque absolument à Longwood.

Il m’a dit que le gouverneur l’avait fait prévenir qu’il pouvait s’écarter de la route et se promener dans la vallée, mais qu’il refusait cette faveur à ses officiers, s’ils n’étaient pas avec lui. « C’est une tracasserie nouvelle, m’a-t-il dit, je ne profiterai pas de cette permission. » Les sentinelles, dont je ne suis pas connu, me diraient à chaque fois : « Halte là ! le général Bonaparte est-il parmi vous ? L’êtes-vous, vous-même ; si vous l’êtes, passez. Je serais forcé de répondre à chaque factionnaire qui se trouverait sur mon passage : Je suis le général Bonaparte. »

4. — J’ai remis au gouverneur le bulletin de la santé de Napoléon. Il l’a trouvé trop long, trop formel, et m’en a demandé un autre qu’il puisse rendre public. Il parait craindre qu’il n’existe une correspondance entre Longwood et lord Liverpool.

Les souffrances et la maladie de l’Empereur s’aggravent. Je l’ai supplié de prendre de l’exercice ; il refuse.

7. — Le gouverneur paraît croire que l’Empereur veut se détruire. Napoléon répond : « Si je pouvais avoir cette pensée, je me serais jeté depuis longtemps sur la pointe d’une épée, et je serais mort en soldat. Mais je ne suis point un caporal ; je ne veux pas dégrader mon caractère. Je ne suis pas assez fou non plus pour détruire graduellement ma santé ; je n’aime pas la longue guerre. »

9. — Napoléon est plus mal que jamais ; sa nuit a été très-agitée, très-douloureuse.

10. — L’Empereur n’est pas mieux. « Le gouverneur est allé, hier,