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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/704

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chez Bertrand, m’a dit Napotéon, et a témoigné le désir de faire la paix, mais il a si souvent promis en vain, que je ne puis voir dans son offre qu’une nouvelle déception. J’ai dit à Bertrand d’expliquer ce que nous demandons au petit Gorrequer.

Des négociations ont lieu à ce sujet.

L’Empereur a reparlé de son retour à Paris, après sa première campagne d’Italie. « J’allai, dit-il, demeurer dans une petite maison de la rue Chantereine[1].

Quelques jours aprês, la municipalito de Paris nomma cette rue, rue de la Victoire : Paris paraissait fier de ma gloire. Des membres distingues des chambres firent la proposition de m’accorder un magnifique hôtel, et une grande propriété ; mais le gouvernement, sous prétexte que l’argent ne pouvait pas récompenser les services que j’avais rendus, fit écarter la proposition. Je n’avais pas alors plus de 200.000 francs de fortune : cependant je venais de gouverner l’Italie par le droit des armes ; j’avais entretenu, payé mes soldats ; j’avais acquitté leur solde arriérée, et envoyé plus de 30.000.000 au trésor public. Je voyais, peu d’hommes de l’époque, excepté quelques membres de l’Institut.

« Le Directoire m’offrit une fête ; Talleyrand m’en donna une autre ; Je n’y restai que quelques instants. Je reçus le commandement de l’armée d’Angleterre ; on la nomma ainsi pour cacher à vos ministres sa destination réelle, l’Égypte. »

Napoléon m’a dit qu’il avait été adoré de ses soldats, de ses officiers, il a cité plusieurs incidents de sa marche de Cannes sur Paris, en 1815 « Je criai aux premiers soldats que je rencontrai, hésitant devant mes grenadiers de l’île d’Elbe : Celui d’entre vous qui veut tuer son Empereur peut le frapper, le voilà ! Ces mots les conquirent ; le cri unanime de : Vive l’Empereur ! me répondit. Cette division et mes grenadiers fraternisèrent. »

L’Empereur a parlé des Polonais. « Poniatowski était un homme d’un caractère généreux, plein de droiture et de bravoure. Je l’aurais fait roi de Pologne si j’avais réussi en Russie. »

Je lui demandai a quoi il attribuait le peu de succès de cette expédition. » Au froid prématuré et à l’incendie de Moscou, continua Napoléon. J’étais de quelques jours en arrière ; j’avais calculé le froid qu’il avait fait depuis cinquante années, et l’extrême froid n’avait jamais

  1. Le général Bertrand l’habite aujourd’hui.