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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/706

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encombrée. Les maisons des habitants étaient bien pourvues, et la plupart avaient laissé leurs domestiques. — Les Polonais ont noblement servi dans vos armées ? lui dis-je. — Oui, répondit Napoléon, ils m’ont été très-attachés et très-fidèles. Le vice-roi actuel de Pologne était avec moi dans mes campagnes d’Égypte ; je le fis général. La plus grande partie de ma vieille garde polonaise est maintenant employée par Alexandre. C’est une héroïque nation, riche d’admirables soldats. Ils résistent mieux que les Français au froid extrême du Nord. « Ma demande fut alors celle-ci : « Dans les climats moins rigoureux, les Polonais sont-ils aussi bons soldats que les Français ? — Non, non, me répondit Napoléon, dans des climats doux le Français leur est très-supérieur. »

11. — J’ai vu Napoléon dans son lit, à sept heures du matin. Il s’est plaint de n’avoir pu reposer pendant la nuit. Ses douleurs sont précipitées, et dans le côté et dans l’épaule. Les palpitations augmentent.

Hudson Lowe est venu et a mesuré les dislances qu’il veut établir entre les factionnaires. Un bâtiment est arrivé du Cap avec des provisions et une malle de l’Angleterre.

Le général Bertrand s’est plaint amèrement à sir Hudson Lowe de l’obligation à laquelle sont assujettis les Français ; on les oblige à remettre ouvertes les lettres qu’ils écrivent aux personnes mêmes de Sainte-Hélène. Est-ce dans ces lettres que l’on pourrait conjurer, si raisonnablement on avait à le faire ?

14. — Je me suis présenté ce matin chez Napoléon : il était encore endormi. On m’a invité à descendre chez le maréchal Bertrand, qui m’a dit que l’Empereur, instruit que je remettais au gouverneur des bulletins sur sa santé, exigeait que je les lui fisse connaître avant de les porter, qu’il repoussait toute autre dénomination que celle d’Empereur, Il ne veut faire aucune concession sur ce point, ajoutant pourtant que dans mes rapports de vive voix, la qualification lui serait parfaitement indifférente, mais que dans une pièce officielle, destinée aux cabinets européens, il se refusait à toute concession, il aimerait mieux la mort. Le gouverneur ne veut point admettre de qualification d’Empereur : il consent, du reste, à ce que mes bulletins passent préalablement sous les yeux du prisonnier.

L’Empereur persiste : il veut fermement garder son nom et son titre : il les gardera.

l8. — L’Empereur, abattu et mélancolique, refuse de nouveau en termes irrévocables la qualification de général dans les bulletins.