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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/709

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saint homme était oublié depuis longtemps ; mais lorsque je parvins au trône, on se le rappela. Puis on parla de ses vertus, et on m’engagea à le laisser canoniser. « Épargnez-moi ce ridicule, répondis-je. Le pape était de mes amis : on n’eût pas manqué de dire que je l’avais forcé à dénicher un saint dans ma famille. »

25. — Les altercations entre le gouverneur et moi ont recommencé. Hudson Lowe m’ayant demandé des renseignements sur ce qui se passait à Longwood, je lui ai répondu que je ne pouvais le satisfaire, ne m’occupant auprès du prisonnier que de mes devoirs de médecin ; il a répliqué que mon devoir était de lui transmettre tout ce qui venait à ma connaissance au sujet des entretiens dont j’étais témoin : « Les moindres détails sont précieux pour moi. » Il dit que je tiens mon emploi à ces conditions. « Je pense tout le contraire, lui dis-je ; je suis venu à Longwood en qualité de médecin ; je n’y suis pas pour remplir un autre rôle. » Le gouverneur, entrant tout à coup en fureur, m’apostropha et me déclara que je l’insultais. Sa voix se brisait de colère. « Sortez d’ici ! » me cria-t-il. Je me disposai à m’éloigner. Je lui dis avant de sortir : « Je ne suis jamais venu de bon gré chez vous : un autre pourra seul m’y ramener. — Sortez ! sortez ! » me criait-il, en marchant à grands pas dans sa chambre. J’entendais encore sa voix étant déjà assez loin.

4 décembre. — Une très-jolie fille, attachée à milady Lowe comme femme de chambre, est venue à Longwood, où les domestiques la reçurent très-bien, Elle désirait voir l’Empereur, et chercha à l’apercevoir à travers le jour d’une serrure.

9. — Le gouverneur m’a fait appeler, et m’a demandé en vertu de quel pouvoir je m’étais cru suffisamment autorisé à demander a la ville différents objets pour mesdames Bertrand et Montholon ; que si ces dames avaient des acquisitions de ce genre à faire, elles pouvaient en charger l’officier d’ordonnance. Je répondis que ces dames pouvaient bien demander certains objets indispensables à leur médecin, mais qu’en conscience, elles ne pouvaient en charger un officier. Je nommai les objets achetés. Le gouverneur se fâcha plus fort, et me dit que je l’insultais ! Il fit ensuite quelques réflexions assez grossières sur la propreté et la délicatesse des dames françaises. Je lui demandai de me donner par écrit la défense qu’il me faisait ; il refusa. J’avoue que j’avais gardé difficilement mon sérieux, en écoutant les dernières observations du lieutenant général Hudson Lowe.

Les symptômes maladifs de Napoléon deviennent plus sérieux qu’auparavant.