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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/712

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le champ de bataille. Il fit relever les blessés : il chercha à consoler ces malheureux. Arrivé devant un officier blessé, il reconnut le colonel Pepin, qu’il avait puni quelques années auparavant, et qui n’avait été remis en activité que peu de temps avant la campagne. Il ne l’avait pas vu depuis plusieurs années. Cet officier était couché sur le dos, une balle lui avait traversé la tête, mais la vie n’était pas éteinte chez lui. « Mon pauvre Pepin, c’est toi ! je suis désolé de te revoir là. Je t’ai pardonné il y a longtemps, je ne pense plus au passé ! »

20. — On m’a demandé à Plantation-House. Je causais avec M. Baxter dans la bibliothèque, lorsque le gouverneur est entré. Il me demanda avec grossièreté quelles étaient mes communications relativement à la santé du général. Ma réponse fut que jusqu’à présent l’amélioration était incertaine ! « Est-il sorti ? — Non, monsieur. — Est-il allé dans la salle de billard ? — Il y est allé. — Comment emploie-t-il le temps ? — J’ignore. — Vous le savez, vous devez répondre ; vous manquez à votre devoir ! » Hudson fit alors plusieurs fois le tour de la chambre, s’arrêtant par intervalle, me toisant de toute la hauteur de son grade, de toute la distance que la discipline met entre nous, avec des yeux flamboyants. Je restai impassible et tirai simplement ma montre pour lui faire voir que je comptais le temps qu’il me contemplerait de cette façon. Ma froide résignation et mon silence lui en imposèrent ; il recommença ses questions, et comme je n’y répondis point selon ses vœux, il passa à de nouvelles fureurs qui ne m’ébranlèrent pas davantage. « Major Gorrequer, s’écria-t-il, écrivez qu’il refuse de parler ! » Alors je m’éloignai.

28. — L’Empereur est mieux. Il a parlé de Bernadotte et de Murat. « La bravoure de Murat était si grande, que les Cosaques lui en témoignaient leur admiration par des cris. Ils étaient saisis de respect en voyant cet officier du premier rang, d’une noble figure, se battre comme un simple cavalier. »

L’Empereur a fait l’éloge de l’intrépide Labédoyère. Il a eu des paroles remarquables et touchantes pour Drouot. « C’est le plus vertueux, le plus modeste des hommes. Ses talents sont très-grands. C’est un homme qui vivrait aussi satisfait avec quarante sous par jour, qu’avec les revenus d’un souverain. Plein de charité et de religion, sa probité, sa simplicité lui eussent fait honneur dans les plus beaux jours de la république romaine. »

3 février. — La nouvelle de la mort de la princesse Charlotte vient d’être apportée ici par le vaisseau le Cambridge. J’en ai informé l’Empereur, qui en a été affligé ; il a parlé contre les accoucheurs.